Epître de M. Duché, fermier général, à M. de Bachaumont, sur Mme la comtesse de Voisenon, jeune et jolie femme qui donne dans la dévotion.
Epître de M. Duché, fermier général, à M. de Bachaumont, sur Madame la comtesse de Voisenon, jeune et jolie femme qui donne dans la dévotion
Se peut-il que notre Lesbie
Dont tu guidas les premiers pas
Au sein de la philosophie
Croie en s’ennuyant ici-bas,
Être heureuse dans l’autre vie !
Ami, cette triste folie
A des ennemis tout-puissants
Pour séjourner encore longtemps
Dans une tête si jolie.
Le moment heureux n’est pas loin
Qui doit la rendre à la sagesse.
Son erreur est une faiblesse
Et le plaisir est un besoin.
Attendons tout de la nature.
Jadis la sensible Guyon
Se livrant à l’illusion
D’une loi plus impie et plus pure
Retrouva les lois d’Épicure
Dans le code de Fénelon.
Aux beaux jours de sa pénitence
Saint Augustin disait tout bas :
Accordez-moi la continence,
Grand Dieu, mais ne vous pressez pas.
Ces feux de la concupiscence,
Pouvons-nous assez les bénir !
S’ils nous ont ravi l’innocence,
Ils nous ont donné le plaisir.
Ne pleurons plus sur l’infidèle.
Cher ami, la saison des fleurs
Ranimera cette étincelle
Du feu qu’une main immortelle
A répandu dans tous les cœurs.
L’Amour, indigné de son crime,
Vient de choisir dans sa fureur
Le jeune sacrificateur
Qui doit immoler la victime.
Puisse ce trop heureux mortel
Hâter l’instant du sacrifice,
Et par un hommage éternel
Méritons que ce dieu propice
Nous appelle un jour à l’autel.
F.Fr.10479, f°22r-223r - Arsenal 2964, f°90r-91r - BHVP, MS 651, p.175-76