Satire contre M. Duclos, de l’académie des Inscriptions et belles-lettres, au sujet de son Histoire de Louis XI
Esprit rare et brillant dont les savants écrits
Par les grâces dictés ont enchanté Paris,
Membre illustre et fameux du corps académique,
Que tu sais avec art tracer la politique
De ce prince autrefois par Tristan gouverné
De ses jaloux transports esclave infortuné.
Qu’avec grâce tu peins les malheurs de ces princes
Dont d’infâmes tyrans désolent les provinces
Et dont les noms sacrés dans leurs barbares mains
Sont des voiles trompeurs pour perdre les humains.
Ces princes en qui seul tout notre espoir se fonde,
Ces princes qui sont nés pour le bonheur du monde,
Confiant leur pouvoir à d’infâmes flatteurs
Semblent de leurs forfaits protéger les horreurs.
Qu’ils apprennent, ces rois, aux traits de ta lumière
Sur le trône à fournir une noble carrière ;
Que lisant tes écrits ils apprennent de toi
Ce que c’est que régner, et de régner en roi ;
Qu’ils sont de leurs sujets moins les rois que les pères ;
Que c’est par cela seul qu’ils leur sont nécessaires
Un prince doit son règne au-delà du trépas
Et son trône dès lors s’avilit sous ses pas
Si content de ramper ici-bas et sans gloire
Il s’embarrasse peu de vivre dans l’histoire,
Entouré de flatteurs l’austère vérité
Sur son trône ne peut répandre sa clarté ;
Mais du ciel à sa mort chacun le fait descendre
Tous ces états pompeux s’envolent avec sa cendre
Une foule d’auteurs abattent ces autels
Que lui dressaient déjà les timides mortels.
Tel est souvent, Duclos, de l’histoire l’adresse
Des plus grands potentats elles apprend la faiblesse
Aux plus fameux héros elle enseigne à marcher.
A chaque pas qu’ils font ils tremblent de tomber.
Ils craignent, ces héros, des auteurs la censure
Ils désirent régner dans la race future,
Vers la gloire à grands pas par les sentiers battus
Ils s’avancent toujours de vertus en vertus ;
Ou regardant un roi craint de la terre entière
L’amour de ses sujets, ils suivent la lumière.
Guidés d’un tel flambeau, jamais roi n’a bronché,
Tout devient lumineux où Louis a passé.
Ton livre à nos neveux servira de modèle
Pour peindre, cher Duclos, une histoire fidèle
La nature tracée en tes heureux portraits
S’y découvre, s’y voit à tes différents traits ;
Tu présentes à nos yeux des images naïves
Que tu sais enrichir des couleurs les plus vives,
Tu ne t’égares point en de trop longs récits
Un feu vif et charmant anime tes écrits.
Ta plume délicate égayant ton ouvrage
De tes transitions nous cache le passage ;
Chaque tour, chaque mot court aux événements ;
Tout pétille, étincelle, en tous lieux d’agrément
Grand et noble sans fard, et simple sans bassesse,
Partout tu nous fais voir de la délicatesse
Enfin de tes écrits, le public amoureux,
Cher Duclos, à jamais rendra ton nom fameux.