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Gazette de Paris

Gazette de Paris1
Monseigneur, vous trouverez bon
Qu'on vous écrive sur le ton
De landerirette,
Tout ce qui se passe à Paris,
Landeriri.

On projette toujours beaucoup,
On n'exécute rien du tout,
Que pour vexer grands et petits.

Le Parlement a remontré,
Le Régent s'est quasi fâché ;
Son grand ministre en a frémi2 .

Ce beau génie si relevé,
Qui trouve plus d'un débouché,
Méritait bien d'être applaudi.

Ceux de l'ancien gouvernement
Étaient gens sans expédient,
Testis erit Mississipi.

Incessamment tous nos robins,
Vont devenir des paladins,
Car tous nos ducs se font commis.

Sagesse, prudence et vertu,
A la Muette3 ont pris le dessus,
Depuis qu'y règne la Mouchy4 .

Quelques dames de Luxembourg
Ont pris congé de cette cour,
Il restait encore la d'Aydie5 .

Elle vient de mourir, hélas !
Et c'est la fille de Le Bas6
Qui la remplace, à ce qu'on dit.

Certain basset périgourdin
Fait fortune avec son engin ;
On l'appelle monsieur Riri7 .

On a lu dans Nostradamus8
Homme qui n'était pas camus,
La centurie que voici :

Si Louis Quinze on enterrait,
Philippe en France régnerait,
Landerirette.
Non pas le Philippe d'ici.
Landeriri.

  • 1Autre titre: Chanson envoyée à M. le Prince de Conti, à l'Isle-Adam au mois de… 1717 (Arsenal 2961)
  • 2Lorsqu’il fallut enregistrer l’édit qui supprimait l’impôt du dixième, le Parlement envoya des députés au roi pour lui faire des remontrances. « Le premier président, disent les Mémoires de la régence, parla sur quelques articles de l’édit et exposa la misère accablante du peuple, avec une force et en des termes qui tirèrent les larmes des yeux. » Le duc de Noailles, qui, en sa qualité de président du Conseil des finances, avait rédigé l’édit, dut le modifier par une déclaration postérieure pour en obtenir l’enregistrement. (R)
  • 3La duchesse de Berry avait acheté le château de la Muette. (R)
  • 4Mme de Mouchy était la fille de Forcade, commis des parties casuelles, et d’une femme de chambre de la duchesse de Berry. Favorite de la duchesse, elle fut nommée par elle dame d’atours. « Elle était sa digne confidente. Elle vivait en secret avec Riom, comme la duchesse y vivait publiquement, et cette rivale cachée et commode réconciliait les deux amants quand les brouilleries pouvaient aller trop loin. » (Duclos.) (R)
  • 5« Il y avait longtemps que Mmes de Beauvau et de Clermont s’ennuyaient des préférences et des façons de Mme de Mouchy, et qu’elles ne restaient dans la maison que par considération et par amitié pour Mme de Saint-Simon. Mme de Mouchy n’y avait point de place ; elles ne purent soutenir de la voir tout à coup dame d’atours ; elles vinrent trouver Mme de Saint‑Simon et lui dire que cela était plus fort qu’elles. Elles allèrent parler à M. Ie duc d’Orléans, avec lequel elles ne se contraignirent pas, sur Mme de Mouchy, et quittèrent leurs places avec grand éclat, dont Mme la duchesse de Berry fut vivement piquée. Il en vaqua en même temps une troisième par la mort de la jeune Mme d’Aydie, sœur de Riom. » (Saint-Simon.)
  • 6 C’était la fille de Le Bas de Montargis, trésorier de l’extraordinaire des guerres. Elle épousa M. d’Arpajon, lieutenant général, gouverneur du Berry, « l’un des plus sots hommes de France, sans contredit, et des plus avares. Elle avait une figure extrêmement noble et agréable, peu d’esprit, beaucoup de douceur et de politesse ; très vertueuse et d’une piété qui n’a toujours fait qu’augmenter. » (Saint-Simon.) La duchesse de Berry l’amenait avec elle dans ses courtes retraites aux Carmélites, retraites qu’elle croyait être une expiation suffisante de sa vie désordonnée. (R)
  • 7 Surnom que l’on donnait au comte de Riom. (R)
  • 8Michel de Notre‑Dame, dit Nostradamus, médecin et célèbre astrologue du XVIe siècle, publia, sous le titre de Centuries, le recueil complet de ses élucubrations prophétiques, et ses prédictions, auxquelles il serait difficile d’attacher un sens précis, eurent un immense retentissement. (R)

Numéro
$0210


Année
1717 (Castries)




Références

Raunié, II, 257-60 - Clairambault, F.Fr.12696, p. 303-05 - Maurepas, F.Fr.12629, p.113-15 -  F.Fr.15131, p.136-40 - Arsenal 2937, f°169r-170r - Arsenal 2961, p.421-23 - Arsenal 3115, f°163r-164r - Arsenal 3132, p.316-17 (six premières strophes) - F.Fr.12673, p.260-63 - Mazarine MS 2166, p.163-70 - Mazarine Castries 3982, p. 62-65 - Lyon BM, MS 1675, f°10r