Le Cardinal de Rohan
Le cardinal de Rohan
L’Amour dès longtemps confia
Son charmant sacerdoce
A jeune et gracieux prélat
Plus galant que Mendoce1
,
Et dans son temple transféra
Et sa mitre et sa crosse.
A son grand prêtre il prodigua
Ses faveurs les plus chères2
,
Et fit tant que son nom vola
Sur tout notre hémisphère :
Pape et rois, chacun envia
Le bonheur de lui plaire.
Le diable, qui Adam tenta,
Jaloux de tant de gloire,
Lui fit suivre les Loyola3
,
Chacun en sait l’histoire ;
L’enfant de Cythère en pleura
Dans les bras de sa mère.
Vengeons-nous, mon fils, dit Vénus,
Punissons cet outrage ;
Pour Melun, de tous le rebut
Inspire-lui la rage,
Et que sans grâce ni vertu
Elle fixe ce volage.
- 1« Il était d’un accès charmant, obligeant, d’une politesse générale et parfaite, mais avec mesure et distinction, d’une conversation aisée, douce, agréable. Il était assez grand, un peu trop gros, le visage du fils de l’amour, et, outre la beauté singulière, son visage avait toutes les grâces possibles. » (Saint-Simon) (R)
- 2« Il est galant, écrit le marquis d’Argenson dans ses Mémoires, mais il trouve assez d’occasions de satisfaire son goût pour le plaisir avec les grandes princesses, les belles dames et les chanoinesses à grandes preuves, pour ne pas encanailler sa galanterie et n’être pas du moins accusé de crapule. » (R)
- 3Pour détacher Rohan du cardinal de Noailles qui était son bienfaiteur et son ami, le P. Le Tellier le fit nommer grand aumônier de France (1713). (R)
Raunié, II,85-87 - Clairambault, F.Fr.12696, p.40 (deux dernières strophes) et p.112 - Maurepas, F.Fr.12628, p.248 (couplets 3 et 4) et 343 (couplets 1-3) - Arsenal 2937, f°251v - Mazarine Castries 3985, p.14-15