Complainte sur les adieux d l'empereur
Complainte sur les adieux que fait l’empereur
au Roi de France et à toutes les couronnes
Cruel coup qui m’accable,
Retarde ta fureur,
Tu m’attaques à ma table,
Moi qui suis Empereur,1
Point de rigueur
Calme un peu ton ardeur
Est-ce mon heure ?
Faut-il donc que je meure ?
Cela est incroyable
Qu’il faille m’en aller ;
Je suis un homme affable
Qui veut tout accorder
À mes alliés.
Ceux qui m’ont protégé
Dans mes contrées
Je ne puis les quitter.
Ce monarque Louis Quinze
M’a élu empereur,
Je n’ai plus de provinces.
Il me faut d’un grand cœur,
Avec honneur,
Aller voir le Seigneur ;
N’ayant horreur,
Je n’ai aucune peur.
Mon fils très légitime,
Je vous laisse en ces lieux,
Je n’ai plus de victime,
Je vous fais mes adieux.
Les larmes aux yeux
Faut quitter ces grands lieux,
Prier mon Dieu
Qu’il me place dans les cieux.
Vous tous, princes et princesses,
Qu’êtes portés pour moi,
Et tous gens de noblesse
Venez auprès de moi
Sans nul effroi
Je vous dira pourquoi
La mort a droit.
Toute l’empire ensemble
Faites enfin désormais,
C’est la commune loi
À mon fils des exemples
Pour qu’il n’oublie jamais
Tous les bienfaits
Aussi tous les projets
Que mille fois
J’ai soutenu la loi.
Verrai-je en ma présence
Les horreurs de la mort
Réduire ma puisssance
Et mon plus grand support.
Tu frappes à tort,
Ô redoutable mort !
Jette ton sort
Ailleurs que sur mon corps.
Dans les plus grands calmes
Au milieu des combats
Si la fureur des armes
M’avait mis au trépas
Je n’aurais pas
Un regret à mes pas
Dans cet état
Je meurs dans l’embarras.
Grand monarque de France
Je vous fais mes adieux ;
Que Dieu par sa puissance
Vous conserve en tous lieux
Victorieux
Au comble de vos vœux,
Le Roi des Cieux
Soit guide de nos feux.
Adieu l’art militaire,
Bons soldats généreux,
Je m’en vais dans la gloire
Prier le Roi des Cieux
De bien vouloir
Au comble de mes vœux
Me recevoir
Avec les Bienheureux.
- 1Charles de Bavière.
Maurepas, F.Fr.1648, p.29-32