Sur la convalescence du Roi
Sur la convalescence du Roi
Dialogue
Les harengères
Que j’avons bien eu la transe
Quand on nous vint annoncer
Que le maître de la France
Était en très grand danger.
Tout plein de douleur dans l’âme
Nous implorîmes les cieux
Je courîmes à Notre-Dame
Pour Bourbon faire des vœux.
Notre corps de harengères
Pour la députation
Envoie plusieurs commères
Envers notre Roi si bon
Ayant à notre patronne
Fait toucher du linge fin
Pour conserver la personne
De notre souverain.
Le bon Sauveur qui nous aime
Nous a tretous écouté.
Pour nous, quel bonheur extrême,
Louis recouvre la santé ;
Que nos cœurs pleins d’allégresse
En lui donnant notre foi
Répètent partout sans cesse :
Vive Bourbon notre Roi.
Noyons maintenant nos larmes
Dans un chenatre Pivois [sic]
Puisque j’n’avons plus d’alarmes
Pour le plus puissant des Rois ;
Le plaisir qui nous assemble
Est de vivre sous sa loi.
Entonnons toutes ensemble
Un joyeux Vive le Roi.
Pourquoi donc quitter la place
Dit à sa femme Jacot ?
Je te cognerai la face
De queuque coup de sabot.
Aussitôt à li riposte,
Va, ne sois ps si fâcheux
Car j’arrive de la poste,
Notre Roi se porte mieux.
Parmi les pots et les verres,
Amis, ébaudissons-nous.
Notre Roi est hors d’affaire,
Je n’avons rien de si doux ;
Corbleu ! partout faisons dire,
Ce sont les grivois du port
Qui pour la santé du Sire
S’égosillons les plus forts.
N’épagnons pas la chandelle
Pour marquer notre plaisir ;
Mettons tout par écuelle
Car il faut se réjouir.
Quoique proche la barrière
Notre taudis soit campé,
Ne craignons point la misère
Puisque Louis est réchappé.
Le public
Paris en condoléance
Sur la santé de Bourbon
Va pour sa convalescence
Aux Saints faire station.
On voit chacun qui s’accoste :
Revenez-vous de la poste ?
Hélas ! Monsieur, dites-moi
Comment se porte le Roi.
Deux particuliers
Où va donc Monsieur si vite ?
Chez Monsieur le Chancelier
Tout à cette heure j’en quitte,
J’ai attendu le courrier.
Hé bien, donc, quelle nouvelle ?
Une grande, grâce aux Cieux.
Et tenez-la pour fidèle :
Le Roi se porte bien mieux.
Qu’une acclamation vive
Fasse retentir Paris
De cette joie excessive
Dont notre cœur est épris.
Notre prince magnanime
Ne nous cause plus d’effroi.
D’une voix donc unanime,
Chantons tous Vive le Roi.
Maurepas, F.Fr.12647, p.148-51