Sans titre
Quel nouveau soleil en ce jour1
Tout change en la nature,
Et Bouillon épris de Rottembourg,
Quelle étrange aventure !
N’en sois point jaloux, Matignon,
Portail prend la défense
Et de cette conversion
Tire la quintessence.
Ah ! que les prudes de Paris
Paraissent étonnées ;
Chacune crie à ses amis :
C’est une abandonnée.
Quoi, en présence de d’Estrées
De toutes ses séquelles
Elle a pris de Bouillon le nez
Et même les oreilles.
Nos pauvres Dames en vérité,
Vous êtes toutes folles.
Non, ce n’est pas par vanité
Que Portail joue ce rôle.
Je pense bien différemment :
En femme de justice
Elle a voulu tout simplement
Tirer Bouillon du vice.
C’est à vous, Messieurs de Salins,
Villars et Thibouville,
De crier à cette catin :
Rendez-nous notre drille.
Vous vous trompez en vérité,
Ce n’est pas votre affaire
Il avait déjà trop goûté
Ce qu’on fait par derrière.
Sur la trace de son cousin
Bouillon marchait sans honte
Accompagné de maints clampins
Dont il tenait grand compte.
Mais dès qu’il eut visé le…
De galante donzelle,
Il fit son abjuration
Et monta sur la belle.
Pauvre démonté Matignon
Je plains ton aventure
Aurait-on cru que le Bouillon
Eût pris cette chaussure
Il n’y eût, ma foi, pas songé
Sans la maman d’Estrées
Et Rottembourg l’aurait donnée
Toujours grandes entrées.
Dans les atteintes de l’amour
Dont vous êtes éprise,
Jeune et charmante Rottembourg,
Le Ciel vous favorise.
Si l’absence de Matignon
Vous cause maladie
Aussitôt avec un Bouillon
Vous êtes rétablie.
Tu nommes, ah ! cher Matignon,
Rottembourg infidèle ;
Tu juges que son action
Ne part que d’un beau zèle
Le Bouillon voulant s’épurer
Il est juste sans doute
De le quitter pour lui montrer
La véritable route.
- 1Certains textes du MS F.Fr.15140, notamment les numéros $7759-$7772 traitent, après bien d’autres, quelques épisodes de la guerre de succession d’Autriche, notamment pour les années 1743-45 : éloge patriotique des armées françaises sous la conduite de Louis XV, maladie du Roi à Metz, renvoi de la favorite du moment, la duchesse de Châteauroux. Y figurent également deux têtes de turc, le maréchal de Noailles dont on ne cesse de moquer l’incompétence voire la lâcheté ; et le général des armées ennemies, Charles de Lorraine, également incompétent et de plus ivrogne. Ces textes ont deux caractéristiques, dont la seconde dépend de la première : ils sont visiblement le fait d’une même plume, d’une rare maladresse, et souvent d’une parfaite incohérence. De ce fait, on ne les retrouve nulle part ailleurs, les recueils postérieurs ne s’étant pas souciés de reprendre des poèmes d’une aussi totale médiocrité.
F.Fr.15140, p.166-168