Aller au contenu principal

Sans titre

D'un ministre sans foi
Écoutez les allures,
Qui pour ruiner le Roi
Prend fort bien ses mesures.

Son aïeul fut fouteur
Son père de finance
Lui du Roi précepteur
Dont mal prit à la France.

Hérault, fils d'un laquais,
De seigneur assez mince
Se voit par ses forfaits
Aussi riche qu'un prince.

Lui, Portail et Gilbert,
Le chancelier Hercule
Travaillent de concert
Contre Dieu, pour la Bulle.

Le fourbe Chauvelin
Suit son frère à la trace.
Il tient par ce chemin
A la première place.

Le Parlement flétri
Fait voir de ville en ville
Les vertus que Fleury
Inspire à son pupille.

Par ses conseils pieux
Le monarque extermine
Ceux qui de nos aïeux
Soutiennent la doctrine.

Doctrine cependant
Qui sauva la couronne
Du roi Henri le Grand
Sans elle exclu du trône.

Doctrine à qui Louis
Doit le pouvoir suprême,
Doctrine à qui ses fils
Devront le diadème.

Mais les lâches Romains
Toujours prompts à combattre
Percèrent de leurs mains
Le coeur d'Henri IV.

Rappelle les objets,
Louis, à ta mémoire
Et sauve tes sujets
Ton État et ta gloire.

Les Girards autrefois
Dans leur fureur extrême
Ont égorgé deux rois.
Crains d'être le troisième.

La justice au crochet
A pendu la balance
Par lettre de cachet
Fleury fait tout en France.

La Sorbonne, jadis
L'effroi des fils d'Ignace,
Réduite aux Romignis
N'est plus qu'une carcasse1.

Notre université
Par Hercule asservie
N'a plus ni liberté
Ni courage, ni vie.

L'infâme Robinet
Bannit d'un diocèse
Tous ceux qui soutenaient
La doctrine française.

Le grands prédicateurs,
ornements de la chaire,
Les prêtres, les docteurs
D'une vie exemplaire.

Nos saints prélats de cour
Par le crédit d'Hercule
Ne s'opposeront plus
Désormais à la Bulle.

Nos saints prélats de cour
Que Clément canonise
Sapent de jour en jour
Et la France et l'Église.

Le jésuite fougueux
Va tout droit à la Chine
Et travaille sous eux
A former un grand schisme.

Pour cet horrible plan
Fleury met tout en oeuvre,
Et Thiard et Rohan
Soutiennent la manoeuvre.

Mais je vais en deux mots
Donner ici la liste
De ces nobles héros
Du parti moliniste.

Le pontife romain
Est vraiment leur monarque ;
C'est celui qui des saints
Conduit toute la barque.

Son nonce, fier-à-bras,
En arrivant en France
A tous nos magistrats
Destina la potence.

Qu'annonce un tel début ?
Discorde, schisme et guerre.
Est-ce là le salut
Du successeur de Pierre ?

Quel apôtre, grand Dieu !
Que devons-nous attendre,
Dès qu'il est en ce lieu,
Il parle de nous pendre.

Par de telles douceurs,
Ministre apostolique,
Crois-tu gagner les coeurs
Du peuple catholique ?

Un tel service étant
Digne d'un grand salaire,
On le nomme assistant
Du trône du Saint-Père.

C'est beaucoup, mais enfin,
Au saint simoniaque
C'est d'obtenir enfin
Quelque chapeau qui vaque.

Poste éclatant, mais dû
A sa gloire flétrie,
Après avoir vendu
Son âme et sa patrie.

Je vois à ses côtés
Le docte et saint La Fare,
De l'orthodoxité
Assemblage bizarre.

Quel museau de guenon !
Que sa taille est bien prise !
Et ce joli mignon
Vient gouverner l'Église.

On lui donne un écrit,
C'est Doucin, son fidèle,
Regardons ce qu'il dit,
Ordonnance nouvelle.

Qui démontre qu'un roi
Que Rome excommunie
Perd, en perdant la foi
La couronne et la vie

Voyez quel coup fourré
Nous porte ce bout d'homme
Je le tiens assuré
De la pourpre de Rome.

Quel est cet Adonis
Qui s'approche en cadence
Qu'il est beau, c'est ton fils,
Noble et chaste Florence.

Oui, je vois Saint-Albin
Qui sort de sa toilette,
Beau comme un chérubin
Et la barbe bien faite.

Admirons dans ses yeux
La vertu de son père
Et le regard pieux
De sa modeste mère.

Contre nos libertés
Lui, Janson et Belzunce,
Ont fait quelques traités
Qu'il va porter au nonce.

Et pour les exciter
L'envoyé du Saint-Siège
Leur promet de compter
Sur le Sacré Collège.

Mais parlons de l'auteur
de Marie à la Coque2,
Grand sacrificateur
De textes qu'il disloque.

Le voilà bien pourvu,
Grand crédit et grand chère
Mais jadis je l'ai vu
Chétif et pauvre hère.

Il plaisantait sans fin
Non pas en sel attique,
Mais tel que Trivelin
Le donne à sa boutique.

Le voilà décoré
D'une place éclatante
Et l'oracle assuré
De l'Église enseignante.

Mais son ambition
De tout temps fut extrême.
Pour la religion
Voici son grand système

Qui peut ne point haïr
Le créateur suprême,
Selon lui doit jouir
Du Ciel et de Dieu même.

L'homme seul, par ses soins,
Rend la grâce efficace.
Dans tous les autres points
Il suit les fils d'Ignace.

Qu'un roi soit devenu
Suspect d'être hérétique
Son sceptre est dévolu
Au siège apostolique.

Au lieu d'être livré
Au bras de la justice,
Il fut récompensé
D'un riche bénéfice.

Ah, peut-on n'aimer pas
Et Bulle et formulaire ?
Qui marche sur leurs pas
Est sûr de son salaire.

Muses, disons deux mots
Du pauvre Vintimille,
Qui vient mal à propos
Tourmenter cette ville.

Car au fond qu'a-t-il fait
Avec sa politique
Que de se voir l'objet
De la haine publique ?

Il fait près d'un tombeau
Maintes démarches sottes3
Et cherchant un chapeau
Il trouve cent calottes.

Il n'est point cardinal,
Je ne sais s'il l'espère,
Mais le manteau ducal
Ne vient point à son frère.

Dans ce trouble l'ennui
Sans cesse le suffoque.
Ce qu'il fait aujourd'hui
Demain il le révoque.

Muses, ne chantons plus
Sur ce sujet funeste.
Aux chanteurs de bibus
Abandonnons le reste.

Laissons les Henriaux,
Les Alberts, Castellanes,
Duguai et Floriaux
Avec les autres ânes.

Mais arrête un moment.
Muse, il faut que je parle
Du grave mandement
Du saint pontife d'Arles4

Séparons du fretin
Les guerriers de la Bulle,
Le courageux Fourbin
Bien plus brave qu'Hercule.

Du Luc, Bissy, Languet,
Tous ceux-là se dédisent.
Mais Janson parle net
J'aime au moins la franchise.

Les autres filent doux
Quand le prince menace.
Garder et chèvres et choux
Alors les embarrassent.

Mais Forbin, vrai brûlot,
A le coeur sur la lèvre
Et met cuire en un pot
Et le chou et la chèvre.

Louis, ne parle point
Au gré de ce grand homme.
Il doit suivre en tout point
La volonté de Rome.

Il paraîtra bouillon.
Il s'attend qu'on le dise.
Mais Rome est son guidon.
Le reste, il le méprise.

 

 

Un prélat ignorant
Mon cousin
Fier du pouvoir suprême
Veut être dans son rang
Mon cousin
Plus craint que le Roi même.
Mon cousin
Voilà mon cousin l’allure
Mon cousin
Voilà mon cousin l’allure.

Ce ministre captif
De la pourpre romaine
D’un air impératif
Par le nez le roi mêne.

Mais respectons ce roi
Et lui rendons justice
Il a l’air pour certain
D’un roi de pain d’épice.

Que fait-il, diras-tu ?
Imite-t-il sa race ?
Sa plus noble vertu
Est la carte et la chasse.

Il est simple et soumis
Ce Louis.
Cette conduite est belle,
Mais à vingt an passés
Est-ce assez
D’être encore en tutelle
Et menacé.
Voilà de Louis l’allure
En vérité
Voilà de Louis l’allure.

Fière sans vanité
Tranquille par contrainte,
Pleine de piété
Mais muette par crainte
C’est de Leczinski l’allure.

Un prince trop bigot
Sort de son caractère
Pour paraître dévot
Il faut porter la haire
C’est de d’Orléans l’allure.

Bourbon, jadis héros,
Y voit tout sans murmure
Il y laisse en repos
Son ancienne injure
Voilà de Bourbon l’allure.

Libre de son erreur,
Prince digne de l’être
Il voit avec douleur
L’esclavage du maître.
C’est de Charolais l’allure.

Un abbé franc brouillon,
Croqueur de bénéfice
Dans les bras de Bouillon
Récite son office,
Voilà de Clermont l’allure.

On y voit là Charost
Suivre son cagotisme
Mais sous son air bigot
Il cache l’athéisme
Voilà de ce duc l’allure.

Femme d’un aigrefin
La Carignan dévote
Par le prélat malsain
Se fait gratter la motte
C’est de cet aspic l’allure.

Elle est le seul falot
Du prélat en enfance
Et son faux air dévot
Dupe toute la France,
C’est de Carignan l’allure.

Il est de vrais zélés,
Méritant récompense,
Mais ils sont appelés 
Les fléaux de la France.
Volà du clergé l’allure.

Pucelle a des vertus,
Et ses autres confrères
Plus que n’en eut Brutus
Et bien  plus salutaires
C’est de nos consuls l’allure.

Double caméléon,
D’Aguesseau ce perfide
Dans chaque intention
A Lucifer pour guide
C’est d’un renégat l’allure

Numéro
$7587


Année
1733




Références

F.Fr.15133, p. 127-161


Notes

Compsé de $1736 + $5430 avec des manques et des ajouts