Vers sur l’inauguration de la statue de Voltaire
Grand peintre, sage et sublime écrivain1 ,
Toi qui sut tour à tour nous instruire et nous plaire ;
C’en est fait, ta gloire est entière :
Tu voilà le héros d’un souper libertin !
Chez une courtisane, un laurier clandestin
A couronné ta tête octogénaire,
Et tu mets de moitié dans ton brillant destin
Une émérite de Cythère !
Pour elle, en vérité, c’est avoir trop d’égard.
L’auguste Clairon qu’on oublie,
Voudrait bien, pour comble de l’art,
Des honneurs immortels escamoter sa part
Et couvrir Frétillon du manteau d’Athalie.
Vivre dans l’avenir est, dit-on, sa folie ;
Voilà pourquoi la belle à tout hasard
Sur ton char de triomphe arrogamment s’appuie.
Elle espère qu’un jour, au Temple d’Uranie
Son buste avec le tien sera mis en regard.
Limite enfin, crois-moi, les voeux de la princesse ;
Car entre nous ceci passe le jeu ;
Ton apothéose intéresse ;
Mais chez nos bons plaisants on la critique un peu,
Et le renom de la prêtresse
A te parler sans fard décrédite le Dieu.
- 1Vers sur l’inauguration de la statue de Voltaire célébrée par mademoiselle Clairon en octobre 1772
Poésis satyriques, t.II, p. 45-46