Le Dormeur. Sur les conquêtes du Roi.
Le Dormeur. Sur les conquêtes du Roi.
Pour un dormeur l’insupportable chose
Que des exploits, que des victoires sans fin
Qu’un Roi qui fait tout ce qu’il se propose.
C’était d’abord Ypres, Furnes, Menin,
Puis Montalba, Demon, Château-Dauphin,
Aujourd’hui c’est Fribourg ; au Diable qui repose
Quand Louis a les armes à la main ;
La Bastille et les Invalides,
De tels lauriers toujours avides,
Braquant leur airain triomphal
Pour mieux honorer la conquête
Se font un devoir capital
Dans les bras du sommeil de vous fendre la tête.
Je m’éveille en sursaut, je jure, je tempête.
C’est encore, me dit-on, des ennemis à bas.
Alors je me tapis, et j’enrage tout bas,
Non, de nos ennemis bien étrillés sans doute,
Mais de mes pavots en déroute
Dont je ne saurais trop gémir.
C’en est fait, je perds patience ;
Louis veut vaincre, je veux dormir,
Il me faut donc ailleurs fixer ma résidence
Et fuir dans un climat lointain.
Oui, je me lève et pars soudain.
Je vais chercher au bout du monde
Quelqu’asile où sans embarras
Je puisse enfin goûter entre deux draps
Une tranquillité profonde,
Où toujours à l’abri des boîtes, du canon,
Et laissant à Louis signaler son courage,
Je n’entends jamais dans ma nouvelle plage
Du bruit que celui de son nom.
F.Fr.10477, f°24 - NAF.9184, p.385