Sur le début de Mlle Dumesnil à la Comédie
Sur le début
de Mlle Dumesnil1
à la Comédie
La reine Élisabeth
A charmé le parterre ;
Elle rend le sujet
Dans le vrai caractère,
Au théâtre, à la Ville
Ses talents font fracas
Autant que la béquille
Du Père Barnaba.
Sur le début de Mlle Froment
Témoin de ce succès
La seconde flattée,
Téméraire à l’excès
Débute par Médée
Si la braguette brille
Le parterre dira
Qu’elle tient la béquille
Du Père Barnaba.
Si par l’événement
Elles semblent égales,
De votre jugement
Bannissez les cabales,
Informez-vous en ville
Laquelle dans ce cas
Mérite la béquille
Du Père Barnaba.
Le public redouté
Applaudit à mon zèle,
Par excès de bonté
Il me mit sous son aile.
Je m’y tiendrai tranquille,
Lui plaire à plus d’appas
Pour moi que la béquille
Du Père Barnaba.
Sur Mlle Dumesnil
Le bon père Alvarès2
Entend le pathétique.
Non je ne vis jamais
Un acteur plus tragique.
Il instruit une fille
Qui fait tant de fracas
Qu’elle aura la béquille
Du Père Barnaba.
La reine Élisabeth3
A séduit le parterre,
Il se croit en effet
À la cour d’Angleterre ;
Il la trouve gentille.
On dit que ses appas
Méritent la béquille
Du Père Barnaba.
Elle a le cœur perplexe
Dans son ardeur nouvelle
Que le comte d’Essex
Ne sente rien pour elle.
Elle voit que le drille
Veut pour d’autres appas
Conserver la béquille
Du Père Barnaba.
Sur Mlle Froment
Quelle audace, Froment,
De monter sur la scène
Quand du ravissement
Nous sortons tous à peine.
Dumesnil a paru,
Adieu tous vos appas,
La béquille est perdue
Pour vous de Barnaba.
Craignez notre courroux,
Insolente la Motte,
Chacun est contre vous
Et vous crie : ah, la sotte.
Ôtez-nous cette fille
Qu’elle aille se cacher,
Qui vous prend pour béquille
Est sûr de trébucher.
Dufresne est démonté
Voyant que le parterre
Juge avec équité
La reine d’Angleterre.
Que devient sa famille,
Que devient-il, hélas ?
Pour eux plus de béquille
Du Père Barnaba.
BHVP, MS 670, f°141r-142r