Chanson à boire

Si nous voyions, mes chers confrères,

Donner à Law les étrivières,

Si l’on envoyait aux galères

Ramer l’enrhumé d’Argenson,

Le cuistre Dubois dans la rivière,

Le beau canevas de chanson.

De Henri Quatre la sirène

Je chanterais à perdre haleine

Dans l’espace d’une semaine

Mes couplets seraient si courus

Que toutes les nymphes de la Seine

Viendraient faire avec moi chorus1 .

En attendant cette aventure

Buvons de cette liqueur pure,

Buvons-en bien, car je vous jure

Avoir lu dans un grand auteur

Que quoiqu’il arrive en la nature

Rien n’inquiète le buveur.

Malgré le sort qui nous outrage,

Amis, ne perdons point courage.

Le prince qui gouverne est sage,

Il est en ressources fécond.

Toujours le plus furieux orage

Est suivi d’un calme profond.

Qu’importe où l’académie

Place le souverain bien,

Pour moi je trouve le mien

Dans la bonne compagnie

Tantôt à flatter mon chien

Quelquefois avec Sylvie,

Tantôt à flatter mon chien,

Souvent à ne faire rien.

Qu’importe que l’on publie

Tous les jours nouveaux arrêts,

En vivons-nous moins en paix ?

Avons-nous enfants qui crient,

Avons-nous dettes ou procès

Qui traversent notre vie ?

Quant à nos états secrets

Les maris en font les frais.

• 1Allusion sur les chansonniers du Pont-Neuf où est la statue de Henri IV. (M.)