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Ode à Priape par M. Piron

Ode à Priape par M. Piron

Foutre des neuf Grâces du Pinde,

Foutre de l’amant de Daphné,

Dont le flasque vit ne se guinde

Qu’à force d’être patiné :

C’est toi que j’invoque à mon aide,

Toi qui, dans les cons, d’un vit raide

Lance le foutre à gros bouillons,

Priape ! soutiens mon haleine,

Et pour un moment dans ma veine

Porte le feu de tes couillons.

 

Que tout bande ! que tout s’embrase

Accourez, putains et ribauds !

Que vois-je ? où suis-je ? ô douce extase !

Les cieux n’ont point d’objets si beaux :

Des couilles en bloc arrondies,

Des cuisses fermes et bondies,

Des bataillons de vits bandés,

Des culs ronds, sans poils et sans crottes,

Des cons, des tetons et des mottes,

D’un torrent de foutre inondés.

 

Restez, adorables images !

Restez à jamais sous mes yeux !

Soyez l’objet de mes hommages,

Mes législateurs et mes dieux.

Qu’à Priape, on élève un temple

Où jour et nuit l’on vous contemple,

Au gré des vigoureux fouteurs :

Le foutre y servira d’offrandes,

Les poils de couilles, de guirlandes,

Les vits, de sacrificateurs.

 

Aigle, baleine, dromadaire,

Insecte, animal, homme, tout,

Dans les cieux, sous l’eau, sur la terre,

Tout nous annonce que l’on fout :

Le foutre tombe comme grêle ;

Raisonnable ou non, tout s’en mêle :

Le con met tous les vits en ruts ;

Le con du bonheur est la voie,

Dans le con gît toute la joie,

Mais hors le con point de salut.

 

Rangs, dignités, honneurs ?… foutaise !

Et toi, Crésus, tout le premier,

Tu ne vaux pas, ne t’en déplaise,

Yrus qui fout sur un fumier.

Le sage fut un bougre, en Grèce,

Et la sagesse une bougresse ;

Exemple qu’à Rome on suivit.

On y vit plus d’une matrone,

Préférant le bordel au trône,

Lâcher un sceptre pour un vit.

 

Que l’or, que l’honneur vous chatouille,

Sots avares, vains conquérants ;

Vivent les plaisirs de la couille !

Et foutre des biens et des rangs !

Achille, aux rives du Scamandre

Ravage tout, met tout en cendre,

Ce n’est que feu, que sang, qu’horreur

Un con paraît : passe-t-il outre ?

Non, je vois bander mon jean-foutre ;

Ce héros n’est plus qu’un fouteur.

 

Quoique plus gueux qu’un rat d’église,

Pourvu que mes couillons soient chauds.

Et que le poil de mon cul frise,

Je me fous du reste en repos.

Grands de la terre l’on se trompe,

Si l’on croit que de votre pompe,

Jamais je puisse être jaloux :

Faites grand bruit, vivez au large ;

Quand j’enconne et que je décharge,

Ai-je moins de plaisirs que vous ?

 

Quelle importante raison brouille

Achille avec Agamemnon ?

L’intérêt sacré de la couille ;

Briséis… une garce… un con !

Sur le fier amour de la gloire,

L’amour du foutre a la victoire,

Il traîne tout après son char.

Cette puissance à qui tout cède,

Devant le vit de Nicomède,

Fait tourner le cul à César.

 

Mais voyez ce brave cynique,

Qu’un bougre a mis au rang des chiens,

Se branler gravement la pique

A la barbe des Athéniens :

Rien ne l’émeut, rien ne l’étonne ;

L’éclair brille, Jupiter tonne,

Son vit n’en est pas démonté ;

Contre le ciel sa tête altière,

Au bout d’une courte carrière,

Décharge avec tranquillité.

 

« Socrate, — direz-vous, — ce sage,

Dont on vante l’esprit divin ;

Socrate a vomi peste et rage

Contre le sexe féminin ; »

Mais pour cela le bon apôtre

N’en a pas moins foutu qu’un autre ;

Interprétons mieux ses leçons :

Contre le sexe il persuade ;

Mais sans le cul d’Alcibiade,

Il n’eût pas tant médit des cons.

 

De fouteurs, la fable fourmille :

Le Soleil fout Leucothoé,

Cynire fout sa propre fille,

Un taureau fout Pasiphaé ;

Pygmalion fout sa statue,

Le brave Ixion fout la nue ;

On ne voit que foutre couler :

Le beau Narcisse pâle et blême,

Brûlant de se foutre lui-même,

Meurt en tâchant de s’enculer.

 

Tysiphone, Alecto, Mégère,

Si l’on foutait encore chez vous,

Vous, Parques, Caron et Cerbère,

De mon vit, vous tâteriez tous.

Mais puisque par un sort barbare,

On ne bande plus au Ténare,

Je veux y descendre en foutant ;

Là, mon plus grand tourment sans doute

Sera de voir que Pluton foute,

Et de n’en pouvoir faire autant.

 

Cependant Jupin dans l’Olympe,

Perce des culs, bourre des cons ;

Et Neptune au fond des eaux, grimpe

Nymphes, syrènes et tritons ;

L’ardent fouteur de Proserpine

Semble dans sa couille divine

Avoir tout le feu des enfers.

Amis, jouons les mêmes farces ;

Foutons, tant que le con des garces,

Ne nous foute l’âme à l’envers.

 

Redouble donc tes infortunes,

Sort, foutu sort, plein de rigueur ;

Ce n’est qu’à des âmes communes

Que tu pourrais foutre malheur ;

Mais la mienne que rien n’alarme,

Plus ferme que le vit d’un carme,

Rit des maux présents et passés.

Qu’on me méprise et me déteste,

Que m’importe ? mon vit me reste :

Je bande, je fous… c’est assez.

 

Tandis que de combats avide1

Alexandre s’ouvre libre sentier

Et que son courage rapide

Engloutit l’univers entier,

Et que l’on voit une bougresse

Venir mendier la tendresse

Du jeune roi turbulent,

A la face du dieu qui tonne

Diogène en paix  sous sa tonne

S’emplit de foutre en se branlant.

 

Jeunesse, au bordel aguerrie2 ,

Ayez toujours le vit au con ;

Qu’on foute, l’on sert sa patrie,

Qu’on soit chaste, à quoi lui sert-on ?

Il fallait un trésor immense

Pour pouvoir de leur décadence

Relever les murs des Thébains :

Du gain de son con faisant offre,

Phryné le trouve dans son coffre !

Que servait Lucrèce aux Romains ?

 

Tout se répare et se succède,

Par ce plaisir qu’on nomme abus :

L’homme, l’oiseau, le quadrupède,

Sans ce plaisir, ne seraient plus.

Ainsi l’on fout par tout le monde

Le foutre est la source féconde

Qui rend l’univers éternel ;

Et ce beau tout, que l’on admire,

Ce vaste univers, à vrai dire,

N’est qu’un noble et vaste bordel.

  • 1Couplet qui ne se trouve que dans Arsenal 3130
  • 2Les deux derniers couplets ne figurent pas dans Arsenal 3130.

Numéro
$7141


Auteur
Piron



Références

Arsenal 3130, p.176-185


Notes

Ordre différent de la version imprimée. Variantes. Dns la même inspiration obscène, voir $7685