Paraphrase sur le psaume 50 Miserere
Paraphrase sur le psaume 50 Miserere
Qu’entends-je ? une voix secrète
S’élève au fond de mon cœur.
Impitoyable prophète,
Vous me remplissez d’horreur.
Ô toi, qui vois mon supplice,
Ciel ! fais taire la justice ;
N’écoute que tes bontés,
Sous un voile impénétrable
Cache d’un mortel coupable
Les noires iniquités.
Répands les eaux de tes grâces
Sur le cœur qui t’est soumis,
Seigneur, détruis jusqu’aux traces
Des crimes que j’ai commis.
Hélas ! ces crimes énormes
Sous mille cruelles formes
Frappent mes yeux pleins d’effroi,
Je les vois, je les déteste.
Dieu ! quel spectacle funeste,
Ce remords vole après moi.
C’est toi, grand Dieu, que j’offense
Où fuirai-je ? malheureux
Si d’une juste vengeance
Tu suis l’ordre rigoureux.
Coupable avant que de naître
Dèjà le souverain être
Suspendait sur moi ses traits.
Triste enfant de la colère
Je sors du sein de ma mère
Environné de forfaits.
Dieu protège l’innocence,
Il chérit la vérité,
Il prend en main la défense
Du juste persécuté.
Quand ce cœur lui fut fidèle
De sa sagesse éternelle
Il m’enseigna les secrets.
Je lui dois l’être, le trône,
Cependant je l’abandonne
Pour prix de tant de bienfaits.
Prends l’hysope au lieu du foudre
Qui devait m’anéantir.
Ah, Seigneur ! daigne m’absoudre,
Vois mon juste repentir,
Laisse couler sur ma tête
Ces eaux que ta grâce apprête,
Source de mille douceurs.
Alors plus blanc que le cygne,
Je ne serai plus indigne
De tes nouvelles faveurs.
Seigneur, frappe mon oreille
Des tendres sons de ta voix.
Plus diligent que l’abeille
Je pratiquerai tes lois,
Mon âme sera contente
Et d’une joie innocente
Je goûterai les doux fruits.
Sous la cendre et le cilice,
Instruments de mon supplice,
Mes os seront réjouis.
Quand j’ai pu trahir ta gloire,
Ah ! de mes crimes passés
Je m’en ressouviens assez,
Arrache ce cœur perfide
Dont la fureur homicide
Me fait à moi-même horreur,
Et puisque ta main féconde
Peut former un autre monde,
Qu’elle forme un autre cœur.
Abaisse sur moi ta vue,
Seconde un pieux dessein,
Quitte le Ciel, romps la nue,
Grâce descend dans mon sein
Faisant sortir la tristesse,
Fais-y rentrer l’allégresse,
Règne sur ma volonté.
À tes charmes invincibles
Quels cœurs seraient insensibles ?
Grâce, enfin tu m’as dompté.
J’embrasserai la justice.
Brûlant d’une ardente foi,
Ceux qui sont en proie au vice
Apprendront tes lois de moi.
Sages déserteurs du crime,
À la vertu magnanime
Ils consacreront leurs bras ;
Je leur servirai de guide
Et d’une course rapide
Ils voleront sur mes pas.
Le sang dont mes mains sont teintes
Me rend indigne du jour
Urie, arrête tes plaintes,
Seigneur, rends-moi ton amour.
Je chanterai tes louanges,
Au doux concert de tes anges
Je mêlerai mes accents,
Et dans l’excès de mon zèle
D’un cœur soumis et fidèle
Mes mains t’offriront l’encens.
Si des victimes sanglantes
Pouvaient être ma rançon,
Dans leurs entrailles fumantes
J’aurais cherché mon pardon.
T’invoquant dans mes cantiques,
J’eusse inondé les portiques
Du sang le plus précieux.
Mais ce sang est exécrable
Quand c’est une main coupable
Qui le répand à tes yeux.
J’offre à ta loi méprisée
Le tribut de mes douleurs ;
Ta justice est apaisée ;
Elle a vu couler mes pleurs
Mon sort va changer de face.
Mortels, implorez sa grâce
Dieu, reçois un humble cœur ;
Toujours sa lente vengeance
D’accord avec sa clémence
Cède au repentir vainqueur.
Ah, Seigneur, que ta colère
Fasse place à ta pitié ;
Jette un regard moins sévère
Sur ton peuple châtié
Comme une rose naissante
Jérusalem triomphante
De sa cendre sortira
Ce champ qu’hait la nature,
Des serpents retraite impure,
À l’instant disparaîtra.
Mes mains alors agréables
De victimes innombrables
Pourront payer tes bienfaits.
Saisi d’une sainte ivresse
Autour de ta forteresse
Je ferai couler le sang,
Et ta clémence propice,
Recevant mon sacrifice,
Me rendra mon premier rang.
BHVP, MS 602, f°58r-60r