Sur les deux lettres de l’abbé Bochard
Sur les deux lettres de l’abbé Bochard
La lettre de l’abbé Bochard
Court aujourd’hui toute la France ;
Non par un effet du hasard,
Mais de la juste providence
Qui confond souvent les desseins
Des Normands, même les plus fins.
J’ai souvent pensé que Tellier
Dans le haut poste qu’il occupe
Ferait des tours de son métier
Dont il pourrait être la dupe.
Quel plaisir de voir le trompeur
Se perdre lui-même d’honneur !
Mais nos très illustres prélats
Soumis encor à la férule,
Comment ne comprennent-ils pas
Le mépris et le ridicule
Qu’ils attirent sur leurs grandeurs
Se livrant à des imposteurs ?
On tâche en vain de pallier
Le désordre de ce mystère.
Tout Paris, Paris tout entier
L’attribue au Révérend Père.
On connaît le fort et le fin
De cet étrange pèlerin.
Il est vrai que l’abbé Bochard
En prend sur soi toute la honte,
Bien assuré que tôt ou tard
Il y trouvera son compte.
Ô l’honnête homme, ô le bon cœur
Qui veut bien passer pour menteur.
Faudrait-il de nouveau mentir
Pour faire plaisir aux jésuites ?
Il est tout prêt d’y consentir.
C’est le mérite des mérites ;
Ce n’est aujourd’hui que par là
Que vous plaisez à Loyola.
Mentir pour eux n’est point péché
Selon leur commode doctrine
Tous leurs Escobars l’ont prêché,
On le prêche encor à la Chine
C’est pour s’être autrement conduit
Qu’au légat Tournon il en cuit.
La faveur est toute pour nous
Disent ces bons et dévots Pères ;
On nous prendrait pour de grands fous
De ménager nos adversaires.
Selon Escobar nous pouvons
Faire tout ce que nous voulons.
Ainsi ce qu’ils veulent, ils le font,
Appuyés d’une prophétie
Que tous en paradis iront,
Malgré Satan, malgré l’envie,
Malgré Messieurs les cardinaux,
Leurs ennemis et leurs rivaux.
BHVP, MS 599, f°25r-26v
Cf. Lettre de M. l'abbé Bochard de Sarron, trésorier de la Sainte-Chapelle de Vincenne, à M. l'évêque de Clermont, son oncle... » (Vincennes, 15 juillet 1711)