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Pour Mademoiselle de Mansac, sœur de M. le Duc de Noailles

Pour Mademoiselle de Mansac,

sœur de M. le Duc de Noailles.

C’est fait de moi, car une Demoiselle 

M’a conjuré de faire une chanson.

Je rêve en vain, j’épuise ma cervelle

Pour en tirer d’un couplet un tronçon.

 

Pour célébrer les faits du grand Noailles,

Qui aux honneurs court à pas de géant,

Le chansonnier ne fera rien qui vaille

Et ne sera qu’un rimeur de néant.

 

Verse du vin, garçon, à tasse pleine ;

T’endors-tu là, debout, si bien planté ?

Viens préchauffer la vertu de ma veine

Pour faire un vers digne d’être chanté.

 

Rimaillons donc sur le cul d’une tonne

Pour bien chanter les Catalans vaincus

Trouvons moyen (que nul ne s’en étonne)

De marier Bellone avec Bacchus.

 

Afin d’offrir des couplets moins indignes

A mon héros couronné de lauriers,

Il permettra que des feuilles de vigne

Couvrent le front du nouvel ouvrier.

 

Du dieu Phébus, mais j’entends la défense,

Qui me menace et me remplit d’effroi.

Il ne veut pas que Noailles j’encense,

Désavouant un rimailleur si froid.

 

Lorsqu’un couplet avec peine j’arrange,

Phébus, bien loin de me donner secours,

Sur mon esprit si puissamment se venge

Qu’il me le rend plus stupide qu’un ours.

 

Je suis contraint de dire à ma déesse

Sur ce sujet après avoir rêvé

Qu’à un Coulanges il faut qu’elle s’adresse,

Car cet honneur est à lui réservé.

 

Inimitable et merveilleux Coulanges,

Vos nobles vers se chanteront toujours ;

De mon héros entonnez les louanges

Et faites-en retentir les deux cours.

 

De vos chansons l’agréable mélange

Comble nos cœurs de plaisirs innocents.

Jamais esprit, fût-ce celui d’un ange,

Ne peut tourner des vers plus ravissants.

 

Muse, venez superbement coiffée,

Faites valoir vos aimables talents

Pour publier les glorieux trophées

Du grand vainqueur de nos fiers catalans.

 

Venez chanter la rebelle Girone

Qui se soumet à notre jeune Mars

Et qui, cédant au feu qui l’environne,

Montre ses flancs percés de toutes parts.

 

Puisqu’il a plu, par un revers étrange,

Au dieu des vers me manquer au besoin,

C’est à vous seul, ô bien aimé Coulange

De composer qu’il a laissé le soin.

 

Vous seul aurez le droit, le privilège,

De bien dépeindre avec vives couleurs

Tout le détail de ce si fameux siège

Qui clôt la bouche aux injustes parleurs.

 

Numéro
$6909


Année
1712




Références

Clairambault F.Fr.12695, p.247-50