Sans titre
Louis Quinze du nom un mardi de ce mois
A donné sur la cale à Messieurs les Anglois.
Bien quinze mille au moins restés sur le carreau
Ont été dépouillés qu’on leur voyait la peau.
Pour nous assommer tous venaient ces fiers-à-bras,
Mais ils s’en sont enfuis plus vite que le pas.
En laissant leurs drapeaux, étendards et canons
Et des chariots pleins de leurs munitions.
Ce fut l’onze de mai, quatre heures du matin,
Que pour bien batailler on sonna le tocsin.
D’abord comme enragés ils sont venus sur nous
Et tout semblait plier sous leurs terribles coups.
Messieurs nos généraux ont bien fait leur devoir
Et le comte de Saxe agissait, il faut voir !
Jarni, quel maréchal ! on le trouve partout ;
S’il voulait tuer le Diable, il en viendrait à bout.
Comme ils ont déjà fait, les pierrots effrayés
Ont fui comme canards aux premiers coups donnés,
Sans quoi nous eussions fait de tous nos ennemis
Une capilotade et tout mis en hachis.
Mais Louis, notre Roi, comme un autre Jason
Pour les exterminer avecques sa Maison
Montra tant de valeur et si bien batailla
Qu’en trois heures de temps en pièces on les tailla.
Il est vrai qu’on perdit des régiments entiers
Et bien d’honnêtes gens et braves officiers
Grammont et du Briard, d’autres qu’on ne sait pas,
Ont été dans ce jour de la vie au trépas.
Pour nous récompenser notre bon Roi Louis
A voulu qu’on nous donne un jour de pain gratis,
Et pour mieux nous marquer son amitié pour nous,
Chaque brave soldat eut pour boire sept sols.
Mais les pierrots n’ont eu pour prix de leurs frayeurs
Que d’aller travailler avec les travailleurs
Pour plus tôt avancer la prise de Tournai
Qui capitulera devant le vingt-cinq mai.
N’avais-je pas prédit ? la ville de Tournai
Vient de capituler en ce jour vingt-deux mai.
Quoiqu’un pauvre soldat, j’ai très bien deviné.
Ce drôle, dira-t-on, voit plus loin que son nez.
Mazarine Castries 3989, p.138-40