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Sans titre

Que Louis le Bien-aimé

Abandonne sa Duchesse1 ,

Je n’en suis point allarmé ;

Cela très peu m’intéresse,

Car qu’est-ce que ça mfait à moi

Qu’il la prenne ou qu’il la laisse.

Car qu’est-ce que ça mfait à moi

Pourvu qu’il soit un bon roi.

 

Que l’évêque de Soissons2

Ait tout perdu, sa morale

Avec ses belles leçons

Qu’en tout pays on étale.

Car qu’est-ce que ça mfait à moi

La chose m’est bien égale,

Eh, qu’est-ce que ça mfait à moi

Pourvu qu’il soit un bon roi.

 

Que Madame Châteauroux

De sa maladie échappe3 ,

Ou que la Parque en courroux

De son javelot la frappe,

Eh, qu’est-ce que ça mfait à moi

Que son Dieu soit un priape ;

Eh, qu’est-ce que ça mfait à moi

Si nous avons un bon roi.

 

Que Courier dessus courrier

Soient tous les jours à sa porte4 ,

Qu’on fasse psalmodier

Pour sa santé, que m’importe !

Eh, qu’est-ce que ça mfait à moi

Que Saint-Sulpice5 l’exhorte,

Eh, qu’est-ce que ça mfait à moi

Si nous avons soit un bon roi.

 

Que le beau prêcheur Ségaud6

Lui parle de pénitence ;

Que refaire comme il faut

Son train elle recommence,

Eh, qu’est-ce que ça mfait à moi

Qu’elle aime le Roi de France,

Eh, qu’est-ce que ça mfait à moi

Si nous avons un bon roi.

 

Qu’au nombre des impuissants

Chartres, soit mis7 , qu’à la guerre

Sa femme chasse aux faisans

Que dans sa chasse elle opère :

Eh, qu’est-ce que ça mfait à moi

Si quelqu’un a pu lui faire,

Eh, qu’est-ce que ça mfait à moi

Si nous avons un bon roi.

 

Que l’indiscret Balleroy8

Ait jasé sur ce mystère ;

Que Chartres, l’air de chez soi,

Exilé pour cette affaire

Eh, qu’est-ce que ça mfait à moi

S’il n’a jamais pu se taire,

Eh, qu’est-ce que ça mfait à moi

Si nous avons un bon roi.

 

Que Châtillon soit puni9

Pour mener contre l’usage

A Metz en catimini

Notre Dauphin à son âge

Eh, qu’est-ce que ça mfait à moi

Pourquoi n’était-il plus sage,

Eh, qu’est-ce que ça mfait à moi

Si nous avons un bon roi.

 

Que sa femme ait même sort,

Que comme lui on l’exile,

Apparemment elle eut tort,

Sur ce je suis fort tranquille

Car qu’est-ce que ça mfait à moi

Qu’ils soient aux champs, à la ville,

Car qu’est-ce que ça mfait à moi

Si nous avons un bon roi.

 

Si Fribourg et ses châteaux

Sont rendus10 , j’en suis bien aise ;

Si Richelieu des bourdeaux

Notre Dauphine déniaise11

Eh, qu’est-ce que ça mfait à moi

Tant mieux pour Marie-Thérèse,

Eh, qu’est-ce que ça mfait à moi

Si nous avons un bon roi.

 

Si Madame de Brancas12 ,

Dame d’honneur est nommée ;

Qui d’entre nous ne sait pas

Que c’est pour la bien-aimée.

Mais qu’est-ce que ça mfait à moi

Qu’on ne l’ait pas supprimée,

Mais qu’est-ce que ça mfait à moi

Si l’ordonne ainsi le  roi.

 

On fait Dames de Palais

Caumont, de Pons et du Roure13 ,

Et Monsieur de Lauraguais.

Sur ce choix je ne discours

Car qu’est-ce que ça mfait à moi

Là dedans point ne me foure

Car qu’est-ce que ça mfait à moi

Si l’ordonne ainsi le Roi.

 

Si la Dauphine au Dauphin

Ne plaît pas, comm’on s’en doute,

Sans passer pour être fin,

On sait bien quelle est la route,

Mais qu’est-ce que ça mfait à moi

Qu’il la caresse à voir goutte.

Car qu’est-ce que ça mfait à moi

Si l’ordonne ainsi le Roi.

  • 1La Duchesse de Châteauroux.
  • 2M. de Filz-James, premier aumônier et fils du duc de Barwick.
  • 3Madame de Châteauroux est tombée fort malade les derniers jours de novembre.
  • 4On a dit que le Roi envoyait à tous moments savoir des nouvelles de la malade. La Reine, je ne sais par quelle politique, y envoyait aussi deux fois par jour.
  • 5M. Languet, curé de Saint-Sulpice, lui administra les sacrements le 1er décembre.
  • 6Le Père Ségaud, jésuite, fameux prédicateur.
  • 7Le duc de Chartres passe pour impuissant et l’on a dit que sa femme, le lendemain des noces, avait été toute en pleurs s’en plaindre à Madame la princesse de Conti, sa mère.
  • 8M. de Balleroy, gouverneur de M. de Chartres, qui a, dit-on, donné de mauvais conseils à la jeune princesse, comme d’aller chercher en Flandres ce que son mari ne pouvait lui donner.
  • 9Le duc et la duchesse de Châtillon furent exilés de Versailles et par ordre du Roi un chef de brigade vint annoncer à ce gouverneur de M. le Dauphin, à dix heures du matin, de sortir sur-le-champ et d’ôter ses meubles ; on croit que c’est pour avoir sans ordre conduit le Dauphin à Metz.
  • 10M. d’Argenson fils apporta au Roi le 28 novembre que les châteaux de Fribourg y avaient été pris.
  • 11Le duc de Richelieu eut ordre d’aller des Etats de Langudoc où il était, recevoir la Dauphine sur la frontière.
  • 12La duchesse de Villars Brancas, belle-mère de Mme de Lauraguais, nommée dame d’honneur de la Dauphine.
  • 13La duchesse de Caumont et Mesdames du Roure et de Pons, nommées dames du Palais de la Dauphine.

Numéro
$6680


Année
1744




Références

Mazarine Castries 3989, p.61-68


Notes

Même thème, même timbre en $6679.