Sans titre
Tant que le bien-aimé monarque
Vit auprès de son lit la Parque,
A l’amônier il se soumit.
Il lui promit, dit-on, merveille.
Mais dès que la Parque partit,
Il en eut la puce à l’oreille1 .
Renoncer à ce que l’on aime
Est toujours une peine extrême.
Lorsque l’on ne craint plus la mort,
Que s’ensuit-il ? une insomnie.
Triste et rêveur, sans réconfort,
On ne songe qu’à son amie.
Sans m’ériger en grand prophète,
Bientôt dans un doux tête-à-tête
La Châteauroux reparaîtra ;
Et pour Soissons et sa séquelle
Mieux d’abord on se achera,
Puis on sera libre avec elle.
Pour s’excuser notre bon Sire
Nous dira : j’étais en délire
Et n’étais point du tout à moi.
J’ai fait tout ce q’on m’a fait faire ;
J’ai promis sans savoir pourquoi
De bannir celle qui m’est chère.
Tencin, par votre manigance,
Dites bien à toute la France
Que ce que j’ai dit à Soissons,
Je l’ai promis sans connaissance,
Et sans rimes ni sans raisons
Prouvez qu’il n’est point là d’offense.
- 1On parle beaucoup de raccommodement du Roi avec Madame de Châteauroux qui, dit-on, était si malade qu’il ne savait ce qu’il disait, ni ce qu’il faisait, et même qu’il ne s’en est pas souvenu. On dit aussi qu’il y a à la Cour un grand parti pour remettre la Dame en faveur et écarter M. de Soissons. On nomme le cardinal Tencin et le duc de Richelieu qui s’entremettent pour parvenir à ce raccommodement.
Mazarine Castries 3989, p.28-29