Sans titre
Écoutez du roi d’Angleterre1 ,
Ce héros, ce foudre de guerre,
Contre nous de rage écumant,
Ce qu’il dit à son parlement.
Fournissez-moi force finance
Et je désolerai la France.
Oui, j’irai, Milords et Messieurs,
Porter le carnage en tous lieux.
Je commencerai ma campagne
Pour m’en aller droit en Champagne,
Et par le Luxembourg passant
J’irai nuit et jour en avant.
Dans tout le cours de ce voyage
Nous boirons d’excellent breuvage,
Et de Reims avant de partir
Nous nos saoûlerons à loisir.
Quan nous aurons bien fait ripailles
Je m’en irai droit à Versailles
Où j’enleverai, si je puis,
Le maître de ce grand logis.
Les Français en Bohême, en Flandre,
Vers moi ne pourront pa se eendre
Avant qu’ils soient en mouvement
Je serai revenu céans.
Pour sauver la reine d’Hongrie
Faites attention, je vous prie,
Que c’est là l’unique moyen
Que l’on ne lui fasse plus rien.
A cette fameuse entreprise
Le parlement fit grise mine.
Je ne répondis pas un mot,
Ce qui rendit le Roi fort sot.
Et quoique déjà sa vaisselle
Pour partir fut dans la nacelle,
Le feu par grand malheur y prit
Et tout en cendre réduisit.
Jugeant donc que cette équipée
N’était du goût de l’assemblée,
Qu’on murmurait chez ses sujets,
Il abandonna ses projets.
Bien lui prit de rester tranquille
Car s’il fût sorti de sa ville,
Il eût pu, sans rien augurer
Peut-être n’y jamais rentrer.
On l’avertit à la bonne heure
De ne point quitter sa demeure.
Il écouta ce bon avis
Et ne quitta point son pays.
Prions tous Dieu de telle sorte
Qu’il y reste et jamais n’en sorte.
C’en est bien assez qu’autrefois
En France on ait vu les Anglois.
- 1Au mois de novembre il courut un bruit qui donna sujet de faire cette chanson. C’était que le roi d’Angleterre venait en Flandre commander les troupes anglaises qui y étaient, ce qui fit craindre, vu le peu de monde que les Français y avaient, que ce roi ne fût en état de passer par le Luxembourg, la tête couverte, jusqu’à Paris avant que nous puissions lui opposer assez de troupes pour l’empêcher. On a cru que ce qui l’avait détourné d’exécuter ce projet, c’étaient les troubles de son royaume même, au sujet de son fils aîné, auquel on voulait que la régence du royaume dût donnée préférablement au duc de Cumberland, son second fils, en l’absence du roi.
Mazarine Castries 3988, p.122-26