Tu triomphes, Voltaire1 , une secte insensée

Qui craint peu du Très Haut la grandeur offensée,

Prodigue à ton squelette un sacrilège encens ;

Et tu crois de la gloire entendre les accents ?

C’est ainsi qu’à l'erreur ton âme accoutumée,

Aux portes du trépas s'enivre de fumée,

Quand un vil histrion, infâme aux yeux des lois

De l'auguste patrie ose usurper la voix ;

Quand sur ton front ridé posant une couronne,

Il dit impudemment la France te la donne ;

Tu le crois ! Ah ! Rougis de ta crédulité ;

La France doit sa gloire à sa fidélité ;

Ses vrais enfants soumis à la foi de leurs pères,

De ton système impie abhorrent les chimères,

L'Évangile est pour eux la règle du savoir :

Mais pour te couronner, en toi qu'a-t-on pu voir ?

Un auteur qui pour plaire à des lecteurs frivoles

Au défaut de raisons sema bien des paroles,

Et dont le ton badin séduisit les esprits,

De ses sots quolibets plus sottement épris.

Patriarche orgueilleux d'une secte flétrie,

Empoisonneur public, fléau de la patrie,

En glissant ton venin jusques au fond des cœurs,

Ton but fut de corrompre et le dogme et les mœurs.

Pour de moindres forfaits la loi mène au supplice ;

D'un Dieu lent à punir crains au moins la justice,

Ouvre tes yeux mourants, le songe va finir,

Sous tes pas chancelants, le tombeau va s'ouvrir.

Tremble, gémis, peut-être il en est temps encore,

Rends hommage au vrai Dieu que l'univers adore ;

Ce Dieu que ton orgueil affecta d'outrager,

Si tu n'éteins sa foudre est prêt à se venger ;

Ta criminelle plume au mensonge aguerrie,

Perdit à l'insulter les beaux jours de ta vie ;

À désarmer son bras, consacre les derniers,

Ou les feux infernaux vont brûler tes lauriers.

À tes yeux, je le sais, à ceux de tes semblables,

Et le ciel et l'enfer ne sont que pures fables ;

Mais la religion brave vos attentats

Et pour la blasphémer, on ne la détruit pas.

Elle saura toujours foudroyer vos mensonges :

Contre la vérité que peuvent de vains songes ?

Ah ! N'attends pas pour croire au souverain malheur,

Que des feux éternels t'en démontrent l'horreur ;

Et que fermant sur toi les portes de l'abîme,

Un Dieu juste à sa gloire immole sa victime.

                              Fin

• 1Vers sur le couronnement du feu sieur de Voltaire à la Comédie-Française le 30 mars 1778, qui doivent se reporter à l’article dudit jour 30 mars 475 du quatrième volume du présent journal. [Voir Hardy, V, 394, 30 mars 1778]