Apologie de Calonne
Apologie de Calonne1
Pourquoi sur le pauvre Calonne
S’acharne-t-on si durement ?
C’est une si bonne personne !
Il est vrai qu’il aime l’argent,
Mais quand pour lui-même il en prend,
À toute la Cour il en donne.
Plus loin encore il en répand,
Demandez-le à la gent bretonne
Qui jadis le méprisait tant ;
Maintenant elle le couronne
Et rend hommage à son talent.
Exceptons-en le Parlement
Qui sur son tabac le tâtonne.
Ma foi, sur ce pauvre Calonne
On s’acharne trop durement.
On dit aussi qu’il est galant,
Mais il n’est que dans son automne.
Ne peut-on pas à cinquante ans
Chercher quelque mine friponne
Qui rappelle votre printemps ?
Le travail est si monotone
Qu’il faut bien un délassement.
Mais cela se fait prudemment :
L’ami Le Rat et Serionne2
Ont le secret département ;
Le public seul est confident.
Ainsi sur le pauvre Calonne,
Acharnez-vous moins durement.
- 1Le crédit de Calonne avait été fortement ébranlé dès le commencement de l’année 1785 par la publication du livre de Necker sur l’Administration des finances. Dans cet ouvrage, qui fut accueilli avec un empressement significatif, I’ancien directeur du Trésor démontrait à l’aide de chiffres positifs l’augmentation des désordres et le retour des abus dont il avait naguère arrêté le cours. - « M. de Calonne vit le voile des illusions qu’il étendait sur nous menacé par les traits de lumière que lançait du fond de sa retraite un homme d’État célèbre et disgracié. Le fameux ouvrage de M. Necker sur l’Administration des finances, parut : c’était la première fois peut être qu’il était arrivé de rencontrer ce mélange de morale et de calculs, de nobles pensées et de chiffres, de maximes philosophiques et de comptes de recettes et de dépenses. Ce livre eut un succès aussi général que rapide… M. de Calonne se défendit avec des armes plus brillantes que fortes ; la partie n’était pas égale il ne faisait qu’un replâtrage bien verni, tandis que son rival enseignait l’art de rebâtir solidement l’édifice financier ; les paroles de l’un ne donnaient que des espérances trompeuses, l’écrit composé par l’autre était fécond en principes et en vérités. » (Mémoires du comte de Ségur.) (R)
- 2Premiers secrétaires du contrôle général. (R)
Raunié, X,179-81 - CSPL, XVIII, 45-46