Sans titre
Que Caron de Beaumarchais1
Ivre de tous ses succès
A force de trop bien dire
Ait oublié l’art d’écrire,
Sa lettre2 le prouve bien,
Très bien, fort bien,
Mais il aura le moyen
De corriger son Tarare3
A Saint-Lazare. (bis)
La petite Figaro4
Va bien croquer le marmot,
Tandis qu’à Monsieur son père
On fait dire le Bréviaire
Et répéter sa leçon ;
Mais n’est besoin qu’on le prône
Pour une aumône. (bis)
Docteurs, il faut le purger,
Frères5 , il faut corriger…
Non pas lui, mais cette bile
Qui se répand dans son style
Et qui le rend si méchant :
Son sang bouillant
Aurait besoin d’un calmant…
Quand l’humeur grimpe à la tête,
L’esprit est bête. (bis)
Console-toi, Beaumarchais,
Saint-Lazare est désormais
Une honorable retraite ;
Dont les Muses font emplette
Pour rassembler les savants ;
Le temps, le temps
Qui rend justice aux talents,
Dans ce temple de mémoire
Fixe ta gloire. (bis)
Hélas, sensible Breteuil6 ,
Mets bientôt fin à son deuil !
Après si rude carême,
Il fera bien mieux son thème,
Mieux écrira le français ;
Permets, permets
Qu’on place ailleurs Beaumarchais
Et même à l’Académie
Suard t’en prie. (bis)
Mais, dira quelque fâcheux,
Chansonner un malheureux !
C’est œuvre impie et barbare,
D’autant que sa pitié rare
Fait bruit dans chaque journal7 ,
C’est mal, très mal,
C’est un plaisir infernal :
Mais sans fiel, sans satire,
On peut bien rire. (bis)
- 1La police fait de sévères recherches pour découvrir les auteurs de plats couplets qui ont couru contre M. de Beaumarchais. Ils ne valent pas la peine d’être transcrits. Ceux-ci, plus dignes de lui par leur gaieté et leur finesse, sont très peu connus.
- 2 Voyez cette réponse du 2 mars, au Journal de Paris.
- 3Tarare n’a point encore paru, mai il le lit partout en société.
- 4 Voyez cette lettre de M. Suard du 21 février.
- 5Les Frères Ignorantins
- 6 Le baron de Breteuil, comme ministre de Paris, avait la grande main sur l’Académie française. C’est lui que le Roi avait chargé de faire exécuter l’ordre de la détention de M. de B…
- 7 Voyez les Journaux de Paris, et surtout la lettre du 21 février 1785.
CSPL, t.XVII, p.429-32