Sans titre
Le Roi
Pour nous nourrir, Madame,
Sans façon, dites-nous,
En raisonnable femme,
Que me demandez-vous1 ?
Mme de Mailly
Mille francs par semaine.
Sire, ce n’est pas trop,
Car sans compter la peine
Il faut deux fois du rôt.
Le Roi
Mille francs par semaine,
Ce sont bien des ducats !
Quand je voyais la Reine
Je ne les mangeais pas.
Mme de Mailly
Pour faire bonne chère,
Sire, l’ignorez-vous ?
La nourriture est chère,
Et le pain vaut cinq sols.
Le Roi
C’est assez, mon amie,
Que mille francs par mois.
Fleury, plein de génie,
Me l’a dit mille fois.
Mme de Mailly
Je n’en peux rien rabattre.
Noailles, Meuse, Ayen
Qui mangent comme quatre,
Les comptez-vous pour rien ?
Je sais ce qu’a dit Meuse
Qui connaît vos desseins,
Que je resterai gueuse
En sortant de vos mains.
Le Roi
Pour vous tirer d’affaire
Souvent je chasserai ;
Le gibier nécessaire,
Je vous le fournirai.
Mme de Mailly
Ne faut-il que des viandes
A Votre Majesté ?
Et ces liqueurs friandes
Dont on boit quantité ?
Le Roi
Toute la pharmacie
Me défend ces boissons.
Sur peine de la vie
Nous nous en passerons.
Le temps est misérable,
Il faut nous en servir.
Ne nous donnez à table
Que ce qui peut nourrir.
Un fort simple potage
Et jamais de ragoûts.
Rien qui ne soit d’usage,
C'en est assez pour nous.
- 1Même sujet que le précédent ($6264)
Mazarine Castries 3987, p.418-21