Sans titre
Approchez tous ici, badauds.
Du grand commandant des Pierrots
Oyez la nouvelle équipée.
Ce n’est point celle de l’armée,
Ce nouveau trait est bien plus neuf,
C’est de mil sept cent-trente-neuf.
On a dû chanter à son tour
Quand il revint de Philisbourg
Toits mois trop tôt, qui le peut croire ?
Le pauvre Diable avait la foire
Et de crainte des ennemis
S’en revint chier à Paris.
A Versailles on n’en a dit mot ;
On connaît bien là ce héros
Et la valeur de son épée
Qui ne fut jamais occupée,
Soit par le froid, soit par le chaud
Qu’à rester paisible au fourreau.
Venons donc à ce nouveau fait.
Or, écoutez bien, s’il vous plaît.
Une certaine maréchale1
De Versailles dans une salle
Le rencontrant, lui dit tout bas,
Mais, Monsieur, vous n’y pensez pas.
Chacun est dans l’étonnement
De ce qu’au triste enterrement
De feue madame votre tante2
Vous ayez, contre notre attente,
Refusé d’être en habit noir
Pour lui rendre un dernier devoir.
Mais le colonel, irrité
Qu’on lui dise la vérité,
Bien plus furibond qu’à la guerre,
La maréchale envoya faire…
En vrais termes de crocheteurs,
On a de les redire horreur.
A la Reine tout de ce pas
La Dame alla conter le cas,
Mais habillé de telle sorte
Ne parut pas ouvertement
Mais qu’on entendait aisément.
La Reine sentant ce affront
Envoya chercher le Grammont,
Veut qu’on lui répète la chose.
Mais notre guerrier jamais n’ose.
J’instruirai des mots tels qu’ils ont
Mademoiselle de Clermont.
Lors avec la Reine elle était
Un tel propos qui choquait
On ne peut jamais davantage
Lui fit monter rouge au visage
Marquant qu’ensemble ils ont été
En grande familiarité.
Toutes deux tournèrent le dos
A ce colonel des Pierrots.
Sans le respect de la présence
Qu’on doit à la Reine de France
Il méritait bien, le benêt,
De la princesse un bon soufflet.
Mais elle était d’un rang trop haut
Pour se venger de ce nigaud,
Dit pourtant : il méritait d’être
Pour ce jeté par la fenêtre.
Mais je méprise ce vilain
Comme fait tout le genre humain.
- 1 Sur le duc de Grammmont, colonel des Gardes-Françaises, qui envoya faire foutre Mme la maréchale d’Estrées dans un salon de Versailles parce qu’elle lui reprochait de ne s’être pas rendu à son devoir à la mort de Madame sa tante et q’uil avait refusé d’aller à son enterrement. (Castries)
- 2 Madame la duchesse de Beauvilliers. (Castries)
Mazarine Castries, 3987, p.172-75