Chanson
Chanson
En amour en ne rend point raison,
Chacun a son goût et sa manière.
Un berger sur un nouveau gazon
Folâtre avec sa jeune bergère ;
Un guerrier en Hercule nouveau
Brave avec audace
La plus forte place ;
Un robin fait le pied de veau.
Moi, je fais l’amour sur le cul d’un tonneau.
Je ne veux d’air efféminé
Un Victorin n’est que de l’eau claire.
Je ne veux rien qui me prenne au nez.
Un Capucin n’est pas mon affaire.
Pour les Carmes dont on parle tant,
J’en ai fait l’épreuve,
Je n’y suis pas neuve ;
Mais pour aller plus avant
Vive ! vive ! un Cordelier du grand couvent.
Les Jésuites ne se piquent pas
D’avoir aux belles complaisance,
Et les Bénédictins ne font cas
Que d’un bouquin en langue savante ;
Les Petits pères sont du métier
En galanterie,
Sont troupes aguerries.
Un seul vaut plus que deux cavaliers,
Mais il ne vaut pas le moindre Cordelier.
Le Célestin gros et gras qui dort
Et qui laisse en paix sonner matines,
C’est belle montre et peu de rapport ;
N’allez point vous fier à sa mine.
Les Récollets devenus guerriers
D’estoc et de taille,
Prêchent bataille ;
Mars les a choisis pour ses fourriers.
L’Amour pour les siens a pris les Cordeliers.
L’Augustin a l’air malpropre et sec,
Le Prémontré n’a que la parure,
Les Frères prêcheurs n’ont que du bec,
Le Minime sent trop la friture,
Le Théatin mal entretenu
Met son espérance
Dans la providence.
Le Cordelier, partout bien venu,
Sait de son cordon se faire un revenu.
Vous, dont le coeur pour l’amoureux choc
Cherche à faire quelque bonne emplette
Des talents de la gent portefroc
Vous avez le genre assez complète [sic]
C’est à vous de ne pas oublier
Que pour être sûre
D’un plaisir qui dure
Il faut vous associer
Aux vertus d’un jeune Cordelier.
Clairambault, F.Fr.12701, p.375-77