Lettres patentes sur ce placet
Lettres patentes sur ce placet
De par nous révérendissime,
Très grand et très illustrissime
Seigneur et prélat d’Estival,
Ayant pouvoir épiscopal,
Vénérable docteur Hugo
Savant par maint et maint ergo,
Chef de l’ordre de la calotte,
Dispensateur de la marotte,
Qu’il soit notoire à tout le monde
Sans qu’aucune personne gronde
Que, vu par nous, l’humble placet
Que sieur Palisseau nous présente,
Exposant tout ce qu’il a fait
Pour mériter une patente
Qui lui donne rang et séance
Parmi les sages de la France
Qui valent bien ceux de la Grèce ;
Car les anciens porte-lanternes
Ne sont pas dignes d’être en laisse
À la suite de nos modernes.
Adoncque nous, considérant
Le mérite du suppliant,
Tous les hauts faits dont il reluit
Autant le jour comme la nuit ;
Les fastueuses aventures
Où, le corps chargé de dorures
Il s’est signalé tant de fois
Par de si généreux exploits ;
Les fameuses galanteries
Qui n’étaient pas des rêveries ;
Car souvent on réalisa
Sur ses épaules innocentes.
Mais tout le monde sait cela.
Ainsi, pourquoi par ces présentes
Signalerions-nous des faits
Que l’on n’oubliera jamais ;
Bref cette générosité,
César si grand, si magnfique,
Qu’à Bassompierre il eût fait nique
S’il eût eu la témérité
De prétendre lui disputer
L’art de se monseigneuriser ;
Enfin cette fière constance
Avec laquelle il surmonta
Du Parlement la résistance ;
Pour la charge qu’il remporta,
Non à la pointe de l’épée
Mais par une vertu dorée.
À ces causes et beaucoup d’autres,
Pour favorable circonstance,
Mais sans tirer à conséquence,
Avons dispensé l’aspirant
De faire preuve plus avant
De ses moeurs et capacité ;
Attendu l’authenticité
De ses grands et nobles talents
Dont les effets sont si brillants
Et sans autre information
Convient faire bonne action ;
Avons dit au sieur Pallisot,
Qui parmi nous n’est pas un sot,
Octroyé, donné, conféré,
Comme donnons par ces présentes
Qui lui serviront de patentes,
Le titre, rang et dignité
De chevalier de la calotte,
Et lui attribuons le droit
De porter en main la marotte
Ainsi que tout chevalier doit ;
De plus, par grâce ampliative,
Voulant lui témoigner combien
Notre estime pour lui est vive
Et former entre nous un lien
Qui par vertu de sympathie
À tout jamais nous l’associe,
Nous l’établissons de bon cœur
Notre digne coadjuteur
De la grande maîtrise de l’ordre ;
Et pour qu’aucun n’y puisse mordre,
Nous voulons qu’aussitôt après
Le moment de notre décès,
C’est-à-dire que le grand diable
Aura jeté notre âme en sable,
Il soit reconnu pour grand maître
Sans qu’obstacle on y puisse mettre
Pour le présent et l’avenir ;
Enfin, pour faire rejaillir
Nos grâces jusqu’à son drille,
Nous créons en titre Gambille
Pour être son porte-marotte,
Et que par devant lui il trotte
Faisant respecter ses folies
Dans toutes les cérémonies.
Si mandons à tous chevaliers
Portant petits ou grands colliers
Que du contenu ès présentes
Ils fassent pleinement jouir
L’impétrant, toutes fois et quantes,
Puisque tel est notre plaisir.
Fait à notre hôtel calotin.
Signé H… Plus bas Blanpain.
Bois-Jourdain, III, 131-34