Calotte du sieur Palisseau
Placet du sieur Palisseau
à Monseigneur révérendissime abbé d’Estival
pour obtenir d’entrer dans le régiment de la Calotte1
Depuis dix-huit années je prie et je postule ;
Je fais tous mes efforts et donne ma cédule
Pour pouvoir être admis au régiment nouveau
Où l’on admet, dit-on, que gens pleins de cerveau,
Autrement, si l’on veut, surnommé la Calotte ;
Et je ne puis encore avoir une marotte.
C’en est fait, je suis las d’être ainsi rebuté,
Je veux avoir raison de cette iniquité.
C’est à vous, Monseigneur le Révérendissime
Qui par votre génie élevé et sublime
En êtes le grand maître à tout jamais créé,
Qu’humblement je demande à y être agréé.
Par mille et mille exploits j’ai mérité la place
Que j’ose demander ; ainsi ce n’est pas grâce ;
À Toul, dans cette ville où préside Begon,
J’ai fait mon premier cours et ma probation.
Là, richement couvert et d’un air d’importance
J’ai vécu douze jours avec magnificence ;
Le savant Camilly, si bien je m’en recors
Était le gras prélat qui y régnait alors ;
Il était offusqué de voir mon assurance
À ravir avec lui le titre d’Excellence ;
Mais à son déshonneur vainement il jasa,
Car chacun à l’envi m’y monseignerisa.
Or, par comparaison, sans vouloir vous déplaire,
Ce trait vaut bien celui que vous venez de faire ;
Il est vrai qu’il n’est pas un peu si éclatant,
Mais il n’en est pas moins véritable et constant ;
Si pour avoir d’ailleurs l’honneur de la marotte,
Il me fallait avoir une meilleure note,
Le titre tout nouveau dont je suis revêtu
…………………………
Me servira sans doute à mériter la gloire
D’être inscrit avec vous au temple de mémoire.
Les soins et les travaux qu’il m’a fallu souffrir
Pour vaincre un parlement qu’on avait su aigrir,
Me servent de garant que, mal gré qu’on en dise,
Vous voudrez partager avec moi la maîtrise :
Monseigneur, c’est la grâce, en toute humilité
Que bien j’ose espérer de votre humanité.
- 1Portrait du sieur Palisseau, bourgeois gentilhomme de Nantes qui réussit non sans peine à acheter une charge de président des requêtes du palais dans la cour souveraine de Nancy. Il y fallut rien moins que l’intervention du roi Stanislas. Auparavant il avait fait sensation à Toul, faisant figure de grand seigneur ridicule.
Bois-Jourdain, III, 126-28
Voir la réponse au placet, $6013