La parade académique
La parade académique1
C’est bien la curiosité,
La véritable rareté
Qu’on voit dans ce lieu si vanté
Nommé Académie.
Venez tous,
Hâtez-vous,
On vous y convie.
Là, le philosophe disert,
Plus savant que le grand Albert
Parle et lit : Monsieur d’Alembert.
Ah, c’est une merveille !
Ce qu’il dit,
Tout esprit
Enchante l’oreille.
Près de cet homme bien-disant
Le Perrault n’était qu’un enfant,
La Motte un discoureur pesant,
Et Fontenelle un grime.
Jean Le Rond,
Cicéron,
Ah ! l’heureuse rime !
Gens de collège, venez-y,
Vous y profiterez aussi,
Vous vous formerez mieux ici
Dans le grand art de lire.
D’Alembert
Est l’expert
Comme en l’art d’écrire.
Voyez ce docte magister,
Comme il fait crier jusqu’à ter,
Quand à son accent toujours clair
Il joint un peu d’emphase
Comme enfin
D’un air fin
Il marque une phrase !
Il sait s’arrêter à propos
Et bien ménager les repos
Pour les applaudissements dispos
Attentif à son geste
Au signal
Magistral
Toute main est prête.
À chaque fois qu’il s’interrompt,
Il faut lire sur son front.
Que tout bon claqueur soit fort prompt.
C’et un bel exercice,
Le seul ton
Du bâton
Fait ici l’office.
Régents, professeurs, écoliers,
Prodiguez-lui tous les lauriers
Qui dans vos bruyants atteliers
Couronnent les ouvrages.
Dictateur
Ou lecteur,
Qu’il ait vos suffrages.
Admirez aussi, mais tout bas
Messieurs Marmontel et Thomas,
Le Grec issu de Carpentras,
Et Suard et Beauzée.
Pour de tels
Immortels
Forcez l’Élysée !
Le petit harpon manque ici
Mais vous l’y verrez, Dieu merci.
Pour la pléiade que voici
Ses preuves sont bien faites
Mince auteur,
Bas flatteur :
Les voilà complètes.
- 1 Il était juste que l’Académie eut la part du déluge de couplets dont Paris a été inondé. Voici ceux qu’on a osé faire contre la troupe immortelle ; ils auraient pu être un peu plus saupoudrés de ce sel attique nécessaire dans ces bagatelles ; mais il suffit qu’ils attaquent un corps qui vit des débris de sa réputation pour que les malins lecteurs les recherchent (CLS).
ClS, 1776, p.34-35 - CSPL, II, 356-58