sans titre
Pauvre papier, pauvre papier1 ,
Que ton destin est déplorable !
Las ! de tous les coups on t’accable !
Qu’on se plaît à t’humilier !
Encore, si dans ta détesse
Tu servais à torcher le cul
De quelque petite maîtresse,
Ou d’un chanoine bien dodu,
On plaindrait moins ton sort peut-être.
Mais te voir souiller par les vers
De la Harpe et des sots divers
Qui t’ont adopté pour leur maître ;
Recueillir toutes les horreurs,
Sans esprit et sans caractères
D’avocats, procureurs, notaires,
Te noircir des sombres couleurs
Sous tant d’écrivains somnifères.
Pauvre papier, pauvre papier,
Que ton destin est déplorable !
Las, de tous les coups on t’accable !
Marmontel n’a pu barbouiller2 .
- 1 Nous sommes inondés d’almanachs de toutes les couleurs ; dans cette abondance si stérile, il n’y a pas un trait à recueillir. Mais tout cela sert à la vente du papier, et le commerce s’en trouve bien ! A propos de papier dont on gâte tant de rames, on a fait ces vers (CLS).
- 2 Il semble manquer un vers.
CLS, 1776, p.9 - CSPL, II, 312