Ode au chancelier Maupeou
Ode au chancelier Maupeou1
France où sont ces cris d'allégresse,
Que tu prodiguais à ton Roi2 ?
D'où vient cette morne tristesse ?
Mes sens en sont glacés d'effroi.
Pourquoi, sous le plus doux monarque,
Ne vois-je que l'affreuse marque,
De la servitude et des fers ?
Les lois sujettes au caprice,
Et les palais de la justice,
Ou déshonorés ou déserts ?
0! Toi, monstre que la nature
Ne put enfanter sans horreur3 ;
Fléau de la magistrature,
Voilà le fruit de ta fureur.
Longtemps ta dangereuse adresse
Sut cacher une âme traîtresse
Sous le dehors le plus humain.
De loin méditant ta vengeance
Tu convoitais cette puissance
Qui t'en a frayé le chemin.
Maupeou que l'éclat de la foudre,
Vengeant le prince et les sujets ;
T'écrase et te réduise en poudre,
Avec tes odieux projets!
C'est de ton cœur impitoyable,
Que le despotisme exécrable,
Sortit pour étouffer les lois.
Tremble, il est temps que la justice
Epouvante par ton supplice
Les lâches corrupteurs des rois.
Et vous4 que sa main téméraire,
Osa faire asseoir sur les lys ;
Troupe servie et mercenaire,
Sortez du temple de Thémis.
Vils oppresseurs de l'innocence,
Dont l'injustice et l'ignorance,
Ont seules dicté les arrêts ;
Chargés de la haine commune
Traînez une vie importune
Dans la honte et dans les regrets.
Hardy, III, 661