Le pélican [Dulis] et la perruche [La Pélissier]

Fable

Un jour, un escadron d'oiseaux mélodieux

Faisait retentir le Parnasse

Par ses concerts hamonieux.

Certaine perruche eut l’audace

De joindre ses fredons à leurs chants gracieux.

Voix plate, chétive encolure

Large bec, petits yeux, regards sombres, air commun,

Plumage sale et babil importun,

Voilà les dons que la nature

En la formant versa sur sa figure.

Ajoutez à ces traits un esprit de travers

Un cœur ouvert aux vices avec pleine licence,

Emprisonné pour pénitence

Dans le plus vilain corps qu’ait connu l’univers.

Vous avez un portrait si juste et si fidèle

Qu’on pourrait égaler la copie au modèle.

Pour contenter son vice et son désir honteux

Elle faisait un infâme partage

Des fruits de son libertinage

Avec un perroquet boîteux ;

Mais leur coupable intelligence

Ne soulageait que faiblement 

Les noirs soucis de l’indigence

Qui de leur lâche assortiment

Faisait le digne châtiment.

À la perruche misérable

Un pélican charitable

Vint un jour offrir son appui.

Il fit pour la sauver de l’affreux précipice

Où l’entraînait son penchant pour le vice

Tout ce qui dépendait de lui.

Ses soins et ses bienfaits du néant la tirèrent

D’un gouffre de malheurs ses dons la préservèrent.

Mais tant de générosité

N’obtint pour toute récompense

Que larcins soutenus d’une horrible impudence,

Que noires trahisons et qu’infidélité.

De cette extrême lâcheté

L’illustre pélican s’offense.

Un moineau franc lui dit, ce serait un prodige

Si pareille perruche avait quelque équité

Du tigre le plus barbare

On adoucit les fureurs,

Mais d’une coquette avare

Rien ne corrige les mœurs.

Ouvre les yeux et dans ma fable,

Ingrate Pélissier, cœur bas, âme sans foi,

Reconnais de Dulis le portrait véritable

C’est le pélican secourable

Qui se sacrifie sans peine et sans effroi

Pour assouvir ton luxe insatiable

Quant à la perruche, dis-moi,

Si sa figure détestable

Peut ressembler à quelqu’autre qu’à toi.