Sans titre
Les adieux de Louis XIV
Pleurons tous notre grand roi,
Le monarque de la France,
Car tout est en désarroi
Dans la guerre et la finance.
On avait fait des apprêts
En faveur d’une ambassade1
Par malheur aux Portugais
Le vieux singe est malade.
Écoutez-moi, roi des rois,
Prenez en pitié mon âme.
J’ai fait enchérir le bois
Mais j’ai bien peur de la flamme.
Madame de Ventadour,
Votre destin m’épouvante.
Si vos créanciers un jour
Vous faisaient saisir vos rentes.
Vous, Madame d’Orléans,
Ma fille ainsi que ma nièce,
Votre époux sera régent,
Prenez bien garde à vos fesses.
À vous, son illustre époux,
J’abandonne la Régence
J’ai fait des raves, des choux,
De tous les biens de la France
Le seizième du mois d’août
À l’ambassadeur de Perse,
Il dit deux ou trois mots doux
Tandis que la mort le berce.
Qu’on me mette dans mon lit,
Je sens la mort qui s’approche,
Mais avant que de mourir
Je veux fouiller mes poches.
Que je voie le Dauphin.
Apportez-moi mes lunettes.
Enfant tu seras bien fin
Si tu peux payer mes dettes.
Du Maine, qu’avec chagrin
Le bonsoir je vous souhaite,
Prenez bien garde au Dauphin
QU’il ne cloche ni ne boîte.
N’oubiez pas les défunts,
Peuples en qui je me fonde,
Dans la caisse des emprunts
Je m’en vais en l’autre monde.
- 1 Le comte de Ribeira, ambassadeur du Portugal, fit son entrée à Paris le 18 août. Le jour de son audience publique à Versailles était fixé au 21, mais elle fut furtive, à cause de la maladie du roi qui mourut le premier septembre 1715. (Castries)
F.Fr.12500,p.43-44 - Mazarine Castries Ms 3981, p. 305