La Picade
La Picade
Quand le Seigneur vit que l’esprit immonde
Par l’Opéra séduisait tout esprit,
Etait plus fort que dogmes ni qu’écrit
Et dans l’abîme entraînait tout le monde,
Il résolut d’abolir un lieu tel,
Source de crime et de péché mortel,
En se servant même du ministère
De Satanas, de tout péché le père.
Dans un chaos fort bien déterminé,
Chaos de chair et dans un corps tanné
Vous l’emboîta, puis lui mit sur l’échine
Manteau d’abbé ; bref l’accoutra si bien
Que de ce troc nul de douta de rien
Et que chacun le crut homme à sa mine,
Et voilà donc le Diable en sa machine
Enveloppé d’organes tant épais
Que diable aucun si sot ne fut jamais.
Dans cet état s’en va trouver Francine,
Car Dieu l’avait sur terre mis exprès
Pour le dessein que verrez ci-après.
Francine est là qui lui dit : versifie
Pour mon théâtre. Ainsi fit le vilain,
Versifia, chatouillé par le gain.
Mais admirez en ceci, je vous prie,
Combien profonds sont les ordres de Dieu,
Car l’Opéra, cet impudique lieu,
Où s’attroupaient tant de femmes coquettes,
Où se tramaient tant d’intrigues secrètes
En est depuis devenu plus rebut
Qu’un hôpital de peste ou de scorbut.
Arsenal 3128, f°307r-308v