Ode à Rousseau - Le mérite personnel
Ode à Rousseau
Le mérite personnel
On ne se choisit point son père.
Par un reproche populaire
Le sage n’est point abattu.
Rousseau, la plus belle naissance
Donne du lustre à la vertu.
N’envions que l’humble sagesse,
Seule elle fait notre noblesse,
Le vice notre indignité.
Par là se distinguent les hommes,
Et que fait à ce que nous sommes
Ce que nos pères ont été ?
Le sang s’altère et se répare.
Ainsi Castor, né de Pindare,
Prend place entre les immortels,
Ainsi le hideux Polyphème,
Fils indigne d’un père qui l’aime,
N’a pu partager ses autels.
Que j’aime à voir le sage Horace
Compter, satisfait de sa race,
Son père au rang des affranchis,
Mais je ne vois qu’avec colère
Le fils tremblant au nom d’un père
Qui n’a de tache que ce fils.
Connais-tu ce flatteur perfide,
Cette âme jalouse où préside
La calomnie au ris malin ?
Ce cœur dont la timide audace
En secret sur ceux qui l’embrassent
Cherche à distiller son venin ?
Lui, dont les larcins marotiques,
Craint des lecteurs les plus cyniques,
Ont mis tant d’horreurs sous nos yeux,
Cet infâme, ce fourbe indigne,
Pour moi n’est qu’un esclave indigne,
Fût-il sorti du sang des dieux.
Mais nous, que d’un peu de génie
Doua le dieu de l’harmonie,
N’avilissons point ce beau feu,
Et n’arrachons à notre muse
Rien dont le remords nous accuse
Et nous interdise l’aveu.
Rousseau, sois fidèle et sincère
Pour toi. seul critique tes vers.
Ami zélé des bons écrits,
Tu vas pour la race future
Illustrer ta famille obscure
Et je te crois noble à ce prix.
Arsenal 3128, f°181v-182r