Aller au contenu principal

Lettres patentes en faveur du bureau de la santé de Marseille

Lettres patentes en faveur du bureau de la santé de Marseille,

érigée au conseil souverain de l'empire de la calotte

Nous, Momus, dieu de la calotte,

Dont la très puissante marotte

embrassant ce vaste univers

S'étend sur tout ce qui radote

Depuis les cieux jusqu'aux enfers,

Au lecteur, salut. Notre empire

S'étendant trop de jour en jour,

Le régiment ne peut suffire

À ceux qui devant notre cour

Ont fait leur preuve de délire.

Pour obvier auquel abus,

Déclarons que gens de tout âge

Faute d'emplois jadis exclus

De notre régiment comique

Dorénavant seront reçus

Membres de notre république ;

Plus, voulons d'un digne sénat

Pourvoir ce florissant État.

Plus d'une compagnie en France

Prétendant à ce rare honneur

Par mainte et mainte extravagance

S'est signalée avec vigueur.

Pour mériter la préférence

Nous y voyons de grands sujets,

Mais en examinant de près

Les maximes et les usages

Servant de base à leurs arrêts,

Nous les trouvons un peu trop sages

Et leurs principes trop certains

Pour un sénat de calotins.

Enfin, après longue revue

Sur un des plus originaux,

Voulons pour lui rendre justice

Le retirer de cet oubli

Où du sort l'aveugle caprice

L'a trop longtemps enseveli.

Il tient ses grands jours en Provence

Et Marseille est sa résidence.

Son nom, du passé redouté,

Est le bureau de la Santé.

Il est armé contre la perte

Et par les efforts impuissants

Qu'il oppose à ce mal funeste

Ne fait la guerre qu'au bon sens.

Vu par nous, sa folle police

Et ces bizarres réglements,

Contes de vieille et de nourrice,

Propres à berner les enfants,

Vu l'impayable comédie

Qui se joue à l'infirmerie

Avec un bouffon appareil,

Vu qu'on s'évite à la brune,

Qu'on se fuit au loin au soleil

Et qu'on se touche au clair de lune,

Vu qu'en vertu du réglement

On y peut manier la terre,

Le bois, la paille et le verre

Et les métaux impunément

Si ce n'est ou l'or ou l'argent

Qu'aucune montre dérangée

De ce lieu ne sort au dehors

Si dans le vinaigre plongée

Elle n'est devenue purgée

Sauf à changer tous les ressorts.

Vu maint autre pareil scrupule

Et risibles précautions

Pleines de contradictions

Du bourgeois conciliabule

Où l'abus de l'autorité

Que le ministre lui confie

Est pleinement manifesté,

La passion, la fantaisie,

Sans apparence d'équité

Mesurant la sévérité,

Vu que chacun se croit l'oracle

De ce burlesque tribunal

Qui n'est d'accord que par miracle

Seulement pour faire le mal

Et qu'enfin de leur assemblée

Où chacun crie à qui plus haut

Comme à la cour du roi Pétaut

La raison s'était exilée.

Tout vertement considéré,

Comiquement délibéré,

Jugeons digne de notre éloge

Tous ces échappés de la loge

Dont le cerveau vraiment timbré

Dans les visions fanatiques

L'emporte sans comparaison

Sur tous les concurrents lunatiques

Pour chef-d'oeuvre de déraison.

À ces causes, par les présentes

Tenant lieu de lettres patentes,

Convaincus de la vanité

Des préjugés, de l'ignorance,

de l'injustice et l'arrogance

Des intendants de la Santé,

Exigeons leur vain comité,

Et de notre pleine puissance

Le créons conseil souverain

De l'empire de la calotte.

Lui confions notre marotte

Ne pouvant en plus dignes mains

Mettre le sceptre calotin,

Lui donnons des grelots, sonnettes,

rats, papillons et girouettes,

La plus ample provision,

Le tout à sa discrétion,

Assurés que la gent falotte

Au nombre de ses sénateurs

Ne commettra jamais la faute

De recevoir aucuns fauteurs

De la raison, notre adversaire.

Tout sage y doit être un faux-frère.

Nommons pour notre exécuteur

Des oeuvres de haute justice,

Maître Olive, jadis novice,

Ci-devant grand fumigateur

Et dans ce galant exercice

Lui donnons pour premier garçon

Son adjoint d'hôtelier, Guyon,

De qui la grotesque figure

Le menton et l'ajustement

Fera rire certainement

Le patient à la torture.

Assignons leurs appointements

Sur ces tourbillons de fumée

Et ces parfums noirs et puants

Qu'ils vendent bien cher aux passants,

Et dans la forme accoutumée

Gardons cet établissement

Pour en conserver la mémoire.

Aussi donnons en mandement

Au chansonnier du régiment

De conserver dans l'histoire

Ce mémorable événement.

Donné près de l'infirmerie,

Dans le temps des fèves en fleurs

Où des cerveaux sont en rumeur

Le jour que près de la sortie

Le parfum n'étant point venu

Un blessé demeura sans vie

Faute d'être à temps secouru1 .

  • 1 Le nommé Alexandre Pilote qui aurait dû sortir de quarantaine le 23 mai se coupa la gorge la nuit suivante. Il a vécu 12 heures presque sans secours (M.).

Numéro
$4535





Références

F.Fr.10478, f°24-26


Notes

Calotte provinciale