Brevet de grand trésorier du Régiment de la Calotte pour le chanoine Reymond de Cavaillon
Brevet de grand trésorier du Régiment de la Calotte
pour le chanoine Reymond de Cavaillon
De par le dieu porte-marotte,
Nous, général de la Calotte,
À nos sujets faisons savoir
Que voulons à ce jour pourvoir
Aux abus qu’en notre finance
La gourmandise et l’abondance,
Et le luxe et la volupté,
Ont introduit par le passé.
À ces causes, par la puissance
Qui nous donne pleine licence
De faire tout sans nul égard,
D’agir selon la politique
Et l’usage jésuitique,
Nous ordonnons et députons
Reymond, notre porte-coton,
Vu qu’il aime plus que la vie
Du Roi la précieuse effigie1 ,
Trésorier de tous nos écus.
Pour éviter tous les abus,
Pour salaire et pour récompense,
On écrira tout ce qu’il pense,
Affichant dans les carrefours
Ses grands et ses savants discours2 .
Il peut publier l’innocence
De Girard, comme l’impudence
De ceux qui voulaient sans raison
Qu’il expirât sur le charbon.
Trez, premier auteur d’un tel crime,
Sera désormais sa victime,
Et lui donnons dès à présent
Les trois mille livres par an
Qu’on vient d’ôter avec justice
À ce juge plein de malice3 .
De plus lui donnons le collet
Qu’eut jadis le Père Garnet4 ,
Et pour son fameux nom de guerre
Le nommons Jacques dur de Serre5 .
Enfin voudrions, par plus d’honneurs
Pouvoir payer tant de labeurs.
En vertu de cette patente
Il a même droit, même rente
Que nos sénateurs provençaux,
Leurs mérites étant bien égaux.
Il peut, pour le prix de ses veilles,
Porter de Midas les oreilles,
Et si, pour se mieux signaler,
En Bavière il veut voyager
Nous lui donnons pour sa parure
Certain brodequin de mercure6
Que ce dieu forma de sa main
Pour le régiment calotin.
Fait l’an, le jour, qu’en faible lune
Girard fut jugé par fortune
Et que le fameux parlement
Fut reçu dans le Régiment.
Turin, p.258-60