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Brevet pour M. Jullien, avocat en la cour, dont le père avait acheté l'office d'enterré mort. C'est un avocat qui a écrit contre la Cadière

Brevet pour M. Jullien, avocat en la cour,

dont le père avait acheté l’office d’enterré mort.

C'est un avocat qui a écrit contre la Cadière

À nos Seigneurs du parlement,

Supplie et remontre humblement,

Maître Jullien, docteur habile,

De la province et de la ville,

Qu’ayant depuis longtemps appris

Que presque tous les rangs sont pris

Au Régiment de la Calotte,

Sans qu’il ait été mis en note,

Quoique très heureux défenseur

De Girard, digne successeur

De Sanchez, fameux moliniste,

Et de Molinos, le quiétiste,

On veuille lui fixer son sort

Par l’emploi d’enterré mort.

Cette charge si désirée

Ne peut lui être refusée,

Puisqu’avec honneur ses parents

L’exercent depuis deux mille ans.

Avec ce titre légitime

Peut-on lui refuser sans crime ?

Ores donc, tout considéré,

Requiert qu’il lui soit laxé

Par vous, Nosseigneurs, ordonnance,

Au général du Régiment,

De lui donner la préférence

Sur tous ses autres concurrents,

Ce que faisant ferez justice.

 

Décret

Pour éviter tout artifice,

Soit montré comme de raison

À la partie en sa maison.

Fait l’année que la justice

Voit établir par sa malice

Aux dépens de la vérité

Un mystère d’iniquité.

 

Exploit

Le dit jour et la même année,

Suivant la sentence donnée,

Nous, huissier, avons intimé

En la personne d’Honoré,

Du Régiment archer honnête

Et garde-chef de la buvette,

Au général du Régiment,

Le juste arrêt du parlement.

 

Réponse

Par la cervelle de ma tête,

Ma foi, le tour est fort honnête,

Dit le Général en courroux.

On veut cet emploi malgré nous ;

Maître Jullien est une bête

D’avoir présenté sa requête

Puisqu’elle tend au détriment

De notre fameux Régiment.

Cette charge est considérable

Et nous l’en croyons incapable ;

La méritant à l’avenir,

Il pourrait bien y parvenir.

Surtout, acquérant dans les suites

Quelque emploi chez les Jésuites,

Quand ils donnent des sujets,

Ce sont gens sûrs et non suspects ;

Ce sont là nos premiers ministres,

Surtout dans nos sujets sinistres.

Mais pour ce fichu parlement,

C’est une troupe de quidans

Dont nous avons fait nos trompettes

Et nos diseurs de chansonnettes

Pour divertir le Régiment.

Ils sont plaisants assurément

De nous faire des ordonnances.

Pour les punir de leurs offenses

Nous les livrons à Gaufredi

Et ordonnons qu’après midi,

Sans appel, sans aucune grâce,

Sur tous eux on fasse main basse,

Et qu’on les mène en nos prisons

Nommées Petites-Maisons.

Qu’ils reçoivent, après, l’estrapade

Et même un peu de bastonnade,

Les privant par bonne raison

Pour jamais de coiffe de plomb.

Qu’à la place on orne leurs têtes,

Et de grelots et de sonnettes.

Fait et publié le même an

À la tête du Régiment.

Numéro
$4576


Année
1732




Références

Turin, p.235-38