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Lettres patentes de garde-magasin des brevets et tableaux du Régiment, expédié en faveur du Sieur de La Garde, secrétaire de M de la Neuville, intendant en Franche-Comté.

 

Lettres patentes de garde-magasin des brevets et tableaux

du Régiment1 .

Moi, Momus, dieu de la Folie,

Tenant tout seul un grand conseil,

Ma raison étant endormie

Et dans le fort de son sommeil,

J'ai ruminé dans ma cervelle

Un brevet d'epèce nouvelle,

Qu'à l'instant je rends en faveur

Du très renommé De la Garde.

C'est un matois que je regarde

Avec les yeux d'un protecteur.

Mais avant qu'ici je m'applique,

Pour suivre l'ancienne rubrique,

À mes raisons calotines, salut.

Sachez que La Garde est un homme

Qu'en Franche-Comté l'on renomme

En affaires pour être Argus,

Et qu'outre son intelligence,

Avec honneur de l'intendance

De secrétaire il fait l'emploi.

Le peuple de cette contrée

Le chérit fort, voici pourquoi.

En tout sa manière est aisée ;

Il reçoit favorablement

Le richard comme l'indigent,

Et lorsqu'un client perd sa cause

Il le console accortement

En lui faisant en vers ou prose

Quelque bon brevet calotin,

Car il en fait un magasin.

Bien plus, mon bien aimé la Garde

A la complexion gaillarde.

Foi de fou, c'est mon vrai ballot.

Oui, l'Arétin ne fut qu'un sot

Avec ses lubriques postures,

Car mon homme a des miniatures

Peintes par des maîtres savants

Qui représentent des figures

Dont les amoureuses tournures

En les voyant charment les sens.

Il s'y connaît et l'on peut dire

Que tous ses tableaux sont exquis.

Si bien donc, qu'ayant pris l'avis

De mon respectable délire,

Et La Garde par moi placé,

Sera placé selon ma guise.

C'est de ma seule autorité,

Sans crainte qu'on me contredise.

Je le fais garde magasin,

Et des brevets et des peintures

De mon empire calotin.

Il est d'heureuses conjectures

Qui rendent l'homme bien content.

La fortune vient en dormant

À ce très heureux secrétaire,

Car en vertu de mon brevet

Il sera le dépositaire

De la clef de mon cabinet.

Crac, voilà sa fortune faite.

Délibéré dans ma retraite.

Attendez, il faut paravant

Que je lui donne des salaires

Qui soient assignés sûrement

Sur des faits non imaginaires.

À moi, mes rats, conseillez-moi.

Insectes soumis à ma loi,

Ici vous m'êtes nécessaires.

Où sont mes fonds ? On n'en sait rien.

Comment, malheureux mercenaires,

Vous dissipez donc tout mon bien ?

Quoi ! ne puis-je avec mes richesses

Faire la moindre des largesses ?

Je suis un infortuné dieu,

Quel affront pour moi ! J'en soupire.

À mes dépens chacun va rire,

Et mes rats seuls y donnent lieu.

Vite, je scelle les patentes.

Tant mieux pour lui, il a des rentes.

Le reste ira comme il pourra,

Qu'il ait le blason qu'il voudra.

A propos, il faut que je date,

La loi l'ordonne absolument.

Fait et donné dans le moment

Que je viens accoucher ma chatte.

 

  • 1Lettres patentes de garde-magasin des brevets et tableaux du Régiment, expédié en faveur du Sieur de La Garde, secrétaire de M. de la Neuville, intendant en Franche-Comté.

Numéro
$4518





Références

Lille BM, MS 63, p.476-81