Arrêt du conseil de Momus, portant suppression du brevet de sergent des parasites, expédié en faveur du Sieur Dornel
Arrêt du conseil de Momus, portant suppression du brevet1
de sergent des parasites, expédié en faveur du Sieur Dornel
Sur la requête présentée
À Momus et ses adhérents
Par Terpsicore, respectée
De tous symphonistes savants,
Disant qu'elle avait connaissance
Que certain brevet fut donné
À Dornel qui, dès son enfance,
Par elle-même endoctriné
Dans le bon goût de la musique
Touche des orgues à ravir,
Et qui dans ses chants faire sentir
Toutes les beautés d'un cantique.
Aussi jamais pour ce talent
N'entra-t-il dans le Régiment.
Mais la suppliante, informée
Que c'est sur fausse renommée
Qu'on lui donne les attributs
D'un chercheur de franche lippée
Et que par un insigne abus
Contre l'usage et la manie
De nos seigneurs de l'harmonie
Il paye, dit-on, hardiment
Sans barguigner, argent comptant,
Tous ses écots en compagnie,
Et qu'il ne fut si fortuné
Que d'être parasite-né,
Que sa fête mal concertée,
Partant d'une tête éventée,
Pouvait parmi les étourdis
L'avancer tout au plus d'un grade,
Car à fort bon droit il fut mis
Par Aymon dans cette brigade.
Elle a d'ailleurs fort sagement
Représenté, qu'étant sergent
Il aurait fallu prendre garde
Qu'il n'eût saisi sa hallebarde
Que sur le ton de la mi la.
Il eût fait chanter quelque scène,
Ou de cantate ou d'opéra,
Car on sait comme il se démène,
Comme cet organiste y va,
Avec son rouleau il fait rage
Pour faire valoir son ouvrage.
Or s'il tenait quelqu'arme en main
Quand à tour de bras au lutrin
Il bat avec feu la mesure,
S'il était choqué d'un faux ton
Il n'entendrait plus de raison,
Il mettrait en déconfiture
Et symphonistes et chanteurs.
Mais Momus, comme bon père,
Pour en prévenir les malheurs
En le cassant net comme un verre,
Tout examiné mûrement,
Après avoir vu la requête,
Momus rumine dans sa tête
Pour prononcer son jugement ;
Puis de sa marotte il commande
Que de la brigade gourmande
Ledit Dornel soit expulsé
Et que son brevet soit cassé,
Lui conservant ses armoiries
Pour dissiper ses rêveries
Sans en retrancher le flon flon.
C'est un aimable vaudeville,
Et pour en composer un bon
Il faut qu'un maître soit habile.
Après Pâques fait et donné,
En un conseil exprès mandé
Par Momus, étant en goguette
Avec ses fous les plus joyeux
Dans une gaillarde guinguette,
Mangeant de la salade aux oeufs.
- 1$4512
Lille, BM, 63, p.90-94