Eloge funèbre de Fontenelle
Éloge funèbre de Fontenelle1
L’historien de Bornéo2 ,
Le docte et pieux Fontenelle,
Des vrais croyants le modèle
Malade, au lit, vit Meliseo
Enegu, sa sœur Mreo,
Rivales qu’en vulgaire on nomme
Jerusalem, Genève et Rome.
Chacune d’elle à l’instant
Veut faire expliquer le Normand.
Rome dit : il est catholique,
Et la preuve en est authentique.
C’était l’ami de cœur et choix
De feu mon cardinal Dubois.
Genève répond sur la pièce
De Fontenelle sur la messe,
Qu’il a traitée d’après Calvin
D’une magique facétie,
où des mots que l’on balbutie
On fait disparaître le pain.
Il taxe Rome d’avarice,
D’avoir les jours de sacrifice
À ses gens retranché le vin.
Plein de mon esprit, il révoque
Le purgatoire, cet entrepôt,
Comptoir établi pour les sots
Dont Rome impunément escroque
Depuis neuf siècles des impôts.
Il déteste aussi les reliques ;
Il prétend qu’on les jette aux vents,
Casse tous les vœux monastiques,
Ouvre les portes des couvents,
Ne voit que prêtres politiques3 ,
Badine avec légèreté
Sur les livres apostoliques
Qu’il hait pour leur antiquité.
Telle est sa foi, voilà mon gage.
Il est certain, il s’est nommé.
L’écrit s’adressait à Basnage,
En quatre-vingt-six imprimé.
À Baile même il fit la nique
Qui, sans en percer le mystique,
Par sa docte simplicité
L'inséra dans sa République
Comme un récit bien attesté.
Rome en pleurant sur l’hérétique
Fuit. Un rabbin le revendique.
Il est nôtre sans contredit,
Comme il pense de Christ ;
Il lui conteste sa puissance,
Comme d’avoir quand il naquit
Aux démons imposé silence.
Ainsi se disputaient sans fin
Prêtres, ministres et rabbins
L’âme du nouveau Pomponace.
Que dit notre homme ? Il s’embarrasse.
Décida-t-il ? non, il n’osa.
Mais il leur fit laide grimace.
Pour crucifix il embrassa
Le vrai portrait de Spinoza.
Clairambault, F.Fr.12721, p.191-93 - Maurepas, F.Fr.12631, p.331-33 - F.Fr.10475, f°263 - F.Fr.10479, f°531 - F.Fr.15018, 201v-203r - NAF.9184, p.342 - BHVP, MS 664, f°74v-76v - Mazarine, 3971, p.142-47
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