Brevet (sic)
Brevet
De par le dieu porte-marotte,
Nous, son fidèle substitut
Au Régiment de la Calotte,
À tous nos bons sujets, salut.
Vu la Saint-Martin qui s’avance,
Nous déclarons aux avocats
De retourner à l’audience
et prendre leurs premiers ébats.
Car les nommons par ces présentes
Exclus de notre Régiment,
Et ne voulons aucunement
Les revêtir de nos patentes.
Le droit, la raison, le bon sens
Étant de tous temps leur partage,
Ce serait un bel avantage
D’accepter de semblables gens ;
Nous ne voulons que de ces fous
Dans notre auguste compagnie
Qui en soutiennent l’harmonie
Par de beaux faits et de grands coups,
De ces sujets dont on s’étonne
Que de la royale couronne
Ils ménagent si peu les droits,
De ces ministres comme rois
Qui raillent et rognent sans rien dire
Et qui, pour comble de délire,
Persécutent les vrais sujets
Qui forment différents projets
Pour bannir, chasser du royaume
Les plus grands hommes, et font comme
S’ils n’avaient point d’autre dessein
Que d’anéantir tout bien.
Voulons de plus, quoi qu’on pense,
Que l’imbécile cardinal
Du renversement de la France
Devienne l’instrument fatal.
Ce cardinal de courte vue
A souvent, dit-on, la berlue :
Ce qu’il sait faire il ne fait pas,
Et fait tout ce qu’il ne faut pas.
C’est un bien pour notre royaume
Que par un esclave de Rome
Il soit régi et gouverné.
Tout est pour nous bien ordonné.
D’un chapeau rouge les amorces
Sont une source de divorces,
D’injustices et d’attentats
Qui rendent fameux nos États.
Quiconque aime le chapeau rouge
Demeure chez nous et n’en bouge.
Nous avons bien besoin de lui,
De sa faveur et son appui.
Par le grand et noble délire
De ces gens fleurit notre empire,
Car à bien dire, un cardinal
Est un rare et rouge animal
Qui pour servir Rome renie
Et trahit souvent sa patrie.
Un roi qui sait ses intérêts
Ne se sert pas de tels valets.
Pour arriver à ce pinacle
L’on met, s’il faut, au bien obstacle.
On sait que Monsieur de Paris
Des miracles de saint Pâris
Aurait déjà pris connaissance
S’il n’avait la vaine espérance
D’être bientôt fait cardinal.
N’est-ce pas, dit-on, un grand mal
De voir, quand le tout-puissant tonne
Et que ses faveurs il nous donne,
Un évêque, les bras croisés,
N’y pas paraître intéressé ?
Il fait bien plus, si l’on l’écoute :
Il met les miracles en doute
Et si le Roi n’y met la main
Comme un digne prince chrétien,
Il fera régner l’athéisme
Dedans Paris. Le pyrrhonisme
Par ses écrits est établi.
C’était assez du molinisme.
Tandis que Paris retentit
Des miracles d’un saint proscrit,
Il court, se trémousse et menace
D’ôter le bon saint de sa place.
À la fin il trouvera lieu
De défendre de croire en Dieu.
Voilà les gens tels qu’il nous faut.
Nous les aimons et leurs semblables
Qui rendent le règne durable
De Momus et de ses sujets.
Partant, tous les points débattus
Sous notre autorité sacrée,
De nos États fermons l’entrée
À ces exilés revenus.
Que Thémis pour eux soit propice,
Elle leur doit le sacrifice
Qu’ils ont tous si bien mérité
En soutenant la vérité.
Ces grands cœurs, ces esprits sublimes
Qui n’ont aujourd’hui pour tout crime
Que leur louable fermeté,
Qui du Roi prenant la défense
Dans un temps où toute la France
Sur eux avait les yeux réduits,
Par un trait de reconnaissance
Ont été proscrits, interdits.
Item, au lieu de nos sornettes
De rats, papillons et girouettes,
De farfadets et de grelots,
Vrais attributs de leurs rivaux
Nous leur accordons la balance,
Le symbole de l’équité,
Et leur donnons par préférence,
Pour gage de leur fermeté,
Le glaive et la main de justice.
Pour prix encore de leur service,
Nous assignons leurs revenus
Sur les bons livres défendus
Et recherchés par la police.
Fait en l’an que dans l’Italie
Une troupe de scélérats,
Par le dernier des attentats
A brûlé de Paris la vie,
Et qu’en France la sécheresse
Fournit aux nombreux exilés
Moyen de s’en aller à pied
Où l’injustice les adresse.
Nouv.Acq.Fr. 4773, f°92v-95r