Déclaration de Momus au sujet de la rentrée des avocats.
Déclaration de Momus
au sujet de la rentrée des avocats
Momus, instruit du vrai motif
Qui fait rentrer d’un ton plaintif
Les avocats à l’audience,
Sachant de plus que leur science
Et leur grande capacité
N’empêchent pas l’atrocité
D’une satire impertinente
Qui, de fermeté peu constante,
Taxant les susdits avocats,
Ose traiter de haut en bas
Tant de notables personnages
Qui voulaient par des avis sages
Régler en dépit du sénat
Le droit du prince et de l’État.
Pour mettre fin à cet esclandre
Ce dieu déclare et fait entendre
Qu’à regarder la chose en soi,
Ce n’est ni respect pour le roi
Ni du bien public l’avantage
Qui les ramène au pâturage.
Toujours les mêmes sentiments
Suivront les mêmes errements,
Et si le besoin, l’indigence
Ne pressaient cette noble engeance,
On la verrait avec grand cœur
Tenir sa marque et sa hauteur.
Mais se voir sans denier ni maille
Réduit au pain et sur la paille
Serait un sort trop ennuyeux
Pour un ordre si glorieux.
Partant, Sa Déité sincère,
Déclarant qu’on n’a pu mieux faire,
Trouve bon qu’un petit lutin
Méprisant la cérémonie,
L’ordre ait passé la Saint-Martin
Où la cour se voit réunie
Sans montrer le nez au palais
Pour rentrer huit jours après.
Veut en outre Sa Déité
Qu’à l’avenir comme au passé
Les cadets de ce corps illustre
Mène l’autre [?] et que pour lustre
Qui lui était particulier
Soit écrit en gros caractères
Sur la porte du bâtonnier
Céans avec bruit le mystère
Soit à profit, ou soit à dam
Est le conseil de Roboam.
Lui paraissant très raisonnable
L’assemblée où ces bons sujets
Consultent plutôt leur rancune
Que leur force et leur pécune,
Enfantent les plus grands projets.
C’est à quoi le dieu charitable,
Donnant une attention louable,
Ordonne et veut qu’incessamment
Soit fait un établissement
D’une boîte à Perrette,
Riche à peu près comme lorette
Dont les fonds pris sur les brouillards
Qui lui viennent de toutes parts
Tiendront désormais sans contrainte
Ces fameux seigneurs qui, sans crainte,
Pourront s’obstiner hardiment,
Sans appréhender nullement
Que gens de profession libre
Se voient obligés pour vivre
De travailler comme coquins,
Ouvriers ou d’autres faquins.
Et pour donner à cette affaire
Toute la forme nécessaire,
Le dieu Momus, très prudemment,
Pour en être le commissaire
Nomme expressément
L’important maître Normand,
Leur subtil et brillant confrère,
Afin qu’il tire ses amis
De la nasse où les aurait mis
Son infatigable génie.
Fait au synode calotin
En très plaisante compagnie
Signé Momus et Saint-Martin.
Lille BM, MS 62, p.55-60