Brevet de grand jardinier des potages de Momus pour l'abbé Ridel, chapelain ordinaire de la Sainte-Chapelle de Paris
Brevet de grand jardinier des potages de Momus pour l’abbé Ridel,
chapelain ordinaire de la chapelle de Paris
De par Momus, grand dieu des fous,
Salut et grand salut à tous,
Et salut de conjouissance.
Notre amé Ridel, qui n’est pas fat [sic]
Abbé, prieur de Cuenfat,
Connu par son expérience,
Digne des plus grands emplois,
Qui même a poussé la science
À ramer en hiver des pois.
C’est là sa seule intelligence,
Car sans ce merveilleux talent
Dans l’empire de la Folie
Il ne pourrait avoir de rang.
On n’y reçoit que le génie
Et jamais il n’en fut marchand.
Joignez à ce talent sublime
L’art du magicien Simon
Qui, dans son âme pantomime,
Sait masquer son ambition.
Si toutefois c’est simonie
De porter légumes en cour
Et forcer la parcimonie
À se démentir au grand jour,
Car dans son lot est l’avarice.
Certes il ne donnerait rien
Si la valeur d’un bénéfice
N’offrait à son cœur plus grand bien.
Et pour reconnaître son zèle
Et son art pour le potager,
Par cette patente nouvelle
Il nous plaît le dédommager
De tous les soins qu’il a su prendre
Pour présenter au Roi des pois,
Qui pourtant n’a daigné répandre
Sur sa personne nul emploi.
Nous, pour réparer l’outrage,
Le nommons notre jardinier.
Voulons que sur notre potage
Il préside en grand cuisinier,
Qu’en hiver comme en canicule
Sur la soupe on trouve des pois,
Et qu’en vertu de cette bulle
Il soit traité d’homme de poids.
Fait dans notre empire burlesque
La surveille de tous les saints,
Jour où ce jardinier grotesque
Présenta ses pois par ses mains.
Nouv.Acq.Fr. 4773, f°29v-30v