Arrêt de la cour du Parlement de la Calotte qui ordonne qu'un libelle intitulé brevet pour les avocats 1730 soit lacéré par les rats et passé par les armes du Régiment.
Arrêt de la cour du parlement de la Calotte qui ordonne qu’un libelle intitulé
Brevet pour les avocats soit lacéré par les rats et passé par les armes du Régiment
Extraits des arrêts calotins
Qui, sous le nom d’extravagantes,
Sont à la garde des destins,
Écrits sur des feuilles volantes,
Du jour que notre Régiment
Tenait ses grandes vesperies
Pour berner solennellement
Les malfaiteurs en raillerie.
Ce jour, les gens du Roi — et pourquoi
Ne pas suivre en tout la routine,
Fût-il jamais un roi plus roi
Que Sa Majesté Calotine
Dont les Etats bien mesurés
Joignent un pôle à l’autre pôle ?
Les gens du Roi donc sont entrés,
En faisant tous la cabriole.
Maître Fleury de Fleurant mal
Qui portait pour eux la parole,
À dit : Messieurs, un animal
Cent fois plus sot que téméraire
A fait un écrit biscornu,
Plat, fade, et d’un caractère
Qui n’a pu nous être connu
Sans forcer notre ministère
À le déférer à la cour.
L’auteur, par je ne sais quel tour
Où sa verve inepte s’égare,
Fait un préambule bizarre
Où Momus, à propos de rien,
Cherche un sujet pour la satire
Des plus approchants du délire.
On ne devine pas trop bien
Ce qu’il pense et ce qu’il veut dire.
Ce sont d’abord des magistrats
De la finance et des ducats,
Des jugements et des épices,
Et puis point d’argent, point de Suisse.
Parmi ce beau galimatias
Dont toute sa pièce est mêlée,
On entend dans
Un fort grand bruit. Et qui le fait ?
Vous-même ou d’autres on ne sait.
L’auteur s’entend ; c’est sa manie
De paraître toujours confus.
Mais ce qui nous frappe le plus,
C’est qu’au nom de la compagnie
Le sot ait osé publier
Le résultat de sa sottise ;
C’est que son audace s’avise
De nous bêtement allier
Avec une troupe ennemie
De la gloire de votre nom,
Troupe mordicus affermie
Dans le parti de la raison,
Qui pour défendre sa querelle
Montre un opiniâtre zèle.
Ces esprits les moins calotins
Qui soient dans le reste du monde,
Les avocats, ces francs lutins,
Dont la vive activité fronde
Et déconcerte vos projets.
Ce sont là les dignes sujets,
De qui ce fantasque génie
Voudrait à son gré nous lotir.
Par une insipide ironie
Il croit pouvoir les transcrire,
Et traits sur traits il accumule
Pour prouver qu’ils sont vos amis,
Étant ennemis de la Bulle.
Ignore-t-il ce ridicule
Que la Bulle vous a soumis
En peu de temps plus de provinces,
Que jamais les plus puissants princes
N’en possèdèrent à la fois ?
Que désormais dans tout leur droit
La Calotte entre et qu’avec elle
Vous avez fait en pleins états
Une alliance solennelle.
Pût-il aussi ne savoir pas
Que dans nos plus grandes affaires
De maint constitutionnaire
Vous vous servez avec succès,
Que leur Bissy et leur Languet
Sont préposés dans votre empire
Aux emplois les plus importants,
Que votre choix en eux s’admire,
Que les services éclatants
De ces illustres coryphées
Vous ont élevé des trophées
En cent endroits de l’univers,
Que Fleury, par ses soins divers
Et son intrépide assurance
Aurait déjà soumis la France,
Aux calotin-bulliques lois [sic],
Si les fauteurs mutins des droits
De la liberté gémissante
N’eussent suspendu ses exploits
Par une défense puissante ?
Du faussaire encore croira-t-on
Qu’il ne sait pas en conscience
Ce qui de leur part vous offense ?
Oui, cette consultation,
Dont il veut leur faire un mérite
Est l’attentat qui vous irrite
Ceux dont elle portait le nom
Méritaient tous la bastonnade
Pour avoir par leur malfaçon
Dénigré votre tencinade.
Vraiment ils sont bien impudents
D’avoir montré malgré vos dents
Qu’un condamné n’est pas coupable.
Le tour n’était pas pardonnable.
Mais en faveur de leurs emplois,
Vous les avez pour cette fois
Traités avec pleine indulgence.
Votre courroux sur leur écrit
S’est satisfait ; il est proscrit
Par un arrêt, mais d’importance,
Et le savoir et l’éloquence
Dont on les a partout loués
Sous cet arrêt sont échoués,
Arrêt dicté par la souplesse,
En dépit de la vérité,
Qui fait voir qu’elle est la faiblesse
Contre votre dextérité
De plus trente mains à marotte
Ont signé glorieusement
Ce bel avis, ce jugement
Que Tanguy, votre garde-note,
Dressa pour servir d’antidote
Contre le vrai dit trop crûment.
C’est en fait de raisonnement,
Le chef-d’œuvre de la Calotte.
Ces faits, du public si connus,
Déposent contre l’imposture.
Les esprits les plus prévenus
Ne vous feront donc pas l’injure
De vous donner ce sot brevet
Où, par une simple lecture,
On voit, pour peu qu’on soit au fait,
Quelle en est la manufacture.
Mais l’audace de l’imposture,
Qui n’en est que plus téméraire,
Engage notre ministère
À requérir pour votre honneur
Contre la pièce et son auteur
Le jugement le plus sévère.
Eux retirés, vu le placet
La cour, après un long tacet,
Ordonne que ledit libelle
Sera remis incessamment
À tous les rats du Régiment
Dans le fond de quelque ruelle,
Pour être par eux lacéré,
Déchiqueté, pulvérisé
Jusqu’à la dernière parcelle.
En outre, que, contre l’auteur,
On informe, à la diligence
Du Sieur Le Blanc, grand promoteur,
Sauf à régler la compétence
Par devant le Sieur Robinet,
Qu’en cette part la cour commet,
Afin que par eux le coupable
Sans connaissance soit jugé
À faire amende honorable
Au divin Momus, outragé
Par son sacrilège exécrable,
Puis à passer honteusement
La tête nue et sans calotte
Par les armes du Régiment
Et que chacun de sa marotte
Le frappe et refrappe à son tour.
Fait au surplus la dite cour
Inhibition très expresse
Aux rimailleurs de toute espèce
De lui prêter leurs sots rébus.
Et pour prévenir tout abus,
Et signaler mieux sa vengeance,
Ordonne que toute l’engeance
De ces raisonneurs d’avocats
Ait à vider de ses États,
Sans que de ses ordres elle excepte
D’autres que ses chers favoris,
Les Favier et les Mannory,
Que pour ses sujets elle accepte
Fait… et le grand et cetera
Mis partout où besoin sera.
F.Fr.15017, f°81r-89v - Grenoble BM, MS 587, f°167r-168v - Lille BM, MS 62, p. 21-33