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Requête présenté au dieu Momus, colonel du Régiment de la Calotte, par Aymon, secrétaire bibliothécaire, contre le livre intitulé La découverte de l'Empire de Cantahar, imp. 1730.

Requête présentée au dieu Momus, colonel du Régiment de la Calotte, par Aymon, secrétaire bibliothécaire, contre le livre intitulé La découverte de l’Empire de Cantahar, impr. 1730.

À Momus, dieu porte-marotte,

Colonel toujours gracieux,

Toujours riant, toujours gracieux,

Du Régiment de la Calotte,

Très humblement supplie Aymon,

De vos ordres le secrétaire,

Grand maître de votre maison

Et votre bibliothécaire,

Disant qu’en passant l’autre jour

Sans y penser, dessous la halle,

Sa surprise fut sans égale

De voir au coin d’un carrefour

Qu’une impitoyable tripière

Pour emballer un pied de bœuf

Brisait de cruelle manière

Un livre qui semblait tout neuf

Pour les [ill.] la librairie.

Zélé comme il est de son devoir,

Le suppliant ne put pas voir

Sans en avoir l’âme attendrie

Les affronts cruels et sanglants

Qu’au livre faisait la donzelle.

Promptement il s’approche d’elle

Et le racheta pour six blancs.

Il évita par là sa perte.

Soudain il se tire l’écart

Et lut ces mots : La découverte

De l’empire de Cantahar.

Il en parcourut chaque page

Avec si grande avidité

Qu’il eut bientôt feuilleté

Le docte et calotin ouvrage.

À son style, à son tour forcé,

Au but que l’auteur se propose,

Qui n’est, s’il vous plaît, autre chose

Que sous des noms feints, déguisés,

Dans un écrit tout misanthrope,

De s’ériger à contretemps,

Comme ont déjà fait tant de gens,

En réformateur de l’Europe.

À tout cet énorme fatras

Que sans nul art il nous débite

Et que peut-être il n’entend pas,

À son éternelle redite,

À tant de ridicules faits

Qu’effrontément il nous avance,

Mais qui ne nous plairont jamais

Pour trop choquer la vraisemblance,

Le suppliant vit aisément,

Et non sans beaucoup de surprise,

Que l’auteur, quoiqu’il se déguise,

Était de votre régiment.

Ce qui le prouve sans réplique,

C’est que jamais nul imprimeur

N’a voulu grossir sa boutique

De l’ouvrage de cet auteur

Qu’il n’eût d’effet et sans promesse

(Chose qui ne se fit jamais)

Payé sans nul quartier les frais

Et du papier et de la presse.

Votre joyeuse majesté

A par mainte et mainte ordonnance,

Et maint arrêt qu’il a dicté,

Fait inhibition et défense

À tous sujets, grands et petits,

Qui composent son vaste empire,

Quand la rage les tient d’écrire

D’être à jamais assez hardis,

Assez félons et téméraires,

Que de mettre à l’impression

Sans en avoir permission

De vous et de vos secrétaires

Aucun livre, tant soit chétif.

Les mêmes lois disent encore

En mots clairs et sans métaphore

Et du ton même impératif,

Que qui veut avoir privilège

Doit fournir à votre collège,

Nommé des Petites-Maisons,

Un cent pour le moins d’exemplaires

Pour donner à vos nourrissons

Les instructions nécessaires.

L’auteur contre qui l’on se plaint

Est d’avoir enfreint dans ces choses,

D’avoir les justes clauses

Plus que suffisamment atteint.

En vain viendrait-il se défendre

Dans un si menaçant danger

Sur les lettres qu’il a su prendre

Au grand sceau d’un prince étranger,

Portera drogue laxative.

Il en fera provision,

L’écrit aidera le remède.

Quand le malade le lira,

Si le remède agit sans aide,

De torchecul il servira

Ainsi conclut sous votre auspice.

Momus, Aymon attend justice

Pour décret ces mots sont écrits.

Soit fait ainsi qu’il est requis

Momus

 

Numéro
$4386





Références

F.Fr.15016, f°1r-5v