Ordonnance de Momus

De par Momus et Saint-Martin,

Notoire soit au genre humain

Que Momus, régnant en marotte,

Patron laïque de la Calotte,

Pour maintenir le Régiment

Contre le long débordement

De brevets faits par sotte muse

Qui de rime et de sens abuse,

Et que naguère un blême auteur

En usa dans son ramoneur.

Momus donc, plein de puissance,

Certain vouloir, pleine science,

Défend à tous sans son aveu,

D’aller comme esprit du beau feu

De correction fraternelle,

De vers faire une kyrielle

Où l’on connaît à chaque mot

Le chanteur de pédant tripot,

Bannit les fausses ressemblances

Farcis de basses circonstances

Tirées de l’équipage entier

De quelque vil ménestrier.

Bien permet la satire aimable

De cas bouffons, mais véritables.

Qu’on soit contrôleur général,

Momus ne le trouve point mal

Si l’on a parfois contrôlé,

Mais pour avoir beaucoup parlé,

Qu’on soit en chef mis au contrôle,

Momus dira : cela est drôle,

Soyez enfants, tous grands parleurs,

Vous serez tous grands contrôleurs.

Mais que pour un mal à la tête

On envoie brevet de bête,

Que par autre incommodité

Qui n’attaque que la santé,

Il soit permis de faire insulte,

Momus faisant la culebutte,

Par Aymon je veux les punir.

Momus parle, venez l’ouïr.

Je veux qu’en abordant les gens

A jamais il montre les dents,

Comme braque qui voudrait mordre,

Comme souillon qui voudrait tordre

Torchon pour en exprimer l’eau ;

Que par la ville en noir manteau

Porte marotte sur son épaule,

Ainsi que la portait en Gaule

Vieux druides, ses chers confrères,

Farce qu’Aymon n’approuvait guère

Trouvant les termes trop pédants

Pour être admis au Régiment

Qu’en récitant vers, proses ou contes

De rire seul il n’eut pas honte.

Quelquefois on en rit aussi,

Mais moins du conte que de lui.

À tout lecteur faisons de même,

Car brevet long comme carême

Pourrait ennuyer presque autant

Que ramoneur en le lisant.

Fait en l’année trente mille,

Temps fortuné que la Sybille

A prédit, chantant : quand marotte

Viendra pour engendrer calotte,

Vous serez tous vrais marotins,

Tous vous serez bons calotins.