Réponse à un brevet ridicule envoyé par un homme de la Brie
Réponse à un brevet ridicule
envoyé par un homme de la Brie
Momus, le dieu portant marotte
Et souverain de la Calotte,
Vu notre plainte faite à lui
Que dans un brevet plein d’ennui
Certain quidam, sans ministère
Et de nous n’ayant caractère,
Croassait très improprement
Le langage du Régiment,
A déclaré par ces présentes,
En forme de lettres patentes,
Ledit quidam comme fauteur
Et le condamne à la rigueur,
Pour ce qu’en prose froide et plate,
Peu correcte et peu délicate,
Il s’est sans notre ordre ingéré
De contaminer à son gré
Et gâté, nous prêtant son style,
Le nôtre court et facile.
Mieux eût valu pour le vilain
Que chez lui, la truelle en main,
Donnant aux manœuvres leur tâche
Il eût fait gâcher sans relâche,
Ou que, pour ses menus plaisirs,
Il eût savouré les zéphyrs
Qui chez lui soufflant à toutes heures
Désertent leur sale demeure
Pour insulter avec éclat
De l’assistance l’odorat.
Sachant donc qu’à notre dommage,
Comme de son propre héritage,
Il a disposé des brouillards
Qui sur la Marne sont épars
Et ne consentant point pour cause
Qu’on en donne la moindre dose
Qu’à nos Briards et Champenois,
Gens sans malice et francs gaulois,
Et de cervelle assez débile
Et qui pour la rendre subtile
Auraient besoin de s’échauffer
Du vin fumeux de Chaliffer
(Ceci soit dit par ironie).
Car qui ne sait que vin de Brie
Et surtout vin de Chaliffer
Est tel que le diable d’enfer
En le buvant lui ferait grâce
S’il ne faisait pas la grimace.
Or, instruits que le délinquant
En recueille très amplement,
Pour assoupir toute querelle,
Vu la requête et fin d’icelle,
Ouï le rapport calotin
Des sieurs Aymon et Saint-Martin,
Notre grand dieu porte-marotte
Qui ne prétend qu’on nous calotte,
Étant sur son nuage assis,
Après avoir pris son avis,
Entend, mande, prescrit, ordonne
Que ledit quidam en personne
Se transporte ici par bateau
Avec son vin, vieux et nouveau,
Pour le voir, sans en rien prétendre,
Par nous, distribuer et vendre
À nos sujets qui dans le vin
Ont le crâne un peu trop mutin.
Voulons encore, vu la science
Et la faconde et l’éloquence
Du quidam, dont le style pur
Met le passé pour le futur
Qu’en nos écoles de septième
Il soit reçu dans ce jour même
Et que de son digne brevet,
On puisse faire un camouflet,
Afin qu’en façon singulière
Il soit par nous mis en lumière.
Par nous ainsi soit ordonné,
Le dieu Momus ayant signé,
Dans notre empire de la lune,
Le tout sans noise et sans rancune.
F.Fr.9353, f°277r-278r - F.Fr.15016, f°17r-19v - Lille BM, MS 65, p.380