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Requête d’intervention de la calotte.…

Requête d'intervention de la Calotte au sujet de l'arrêt qui doit être rendu jeudi prochain 13 février 17301

À Nosseigneurs de Parlement,

Supplie et remontre humblement

La calotte, votre servante,

Disant qu’elle est intervenante

En l’arrêt que jeudi matin

Vous devez rendre, à telle fin

Que de raison (la cour devine

Que c’est de raison calotine).

Puisque la Calotte intervient.

Au cœur ce bel arrêt nous tient.

Voici pourquoi : certains libelles,

Lâchés comme des étincelles

Pour allumer un plus grand feu,

Se sont répandues depuis peu

Du Capitole jusqu’en France.

Cette insolente outrecuidance

À dans les cœurs jeté l’effroi.

Les fidèles sujets du roi

Se sont alarmés pour sa vie.

Tous se soulèvent, chacun crie,

Le trait pénètre jusqu’à nous

Sur cela, qu’avons-nous fait, nous

Qui gouvernons le ministère ?

Nous avons fait certain mystère

Dont il fallait parler tout bas,

Mystère qui ne voulait pas

Qu’on fît un éclat contre Rome.

On nous a cru, et voilà comme

Votre arrêt mis sur le côté

Était moins sursis qu’arrêté.

Depuis trois mois Fleury recule,

À la gloire du ridicule

Dont nous sommes les grands fauteurs.

Cependant Rome en ses hauteurs

Ose vous attaquer vous-mêmes,

Lancer sur vous ses anathèmes.

Des plus zélés de nos prélats

La fureur passe aux magistrats,

Et bref sur bref elle accumule.

Tant mieux encore, le ridicule

En sera bien plus achevé,

Disons-nous, mais il s’est trouvé

Des gens d’une humeur incommode

Qui n’aiment point notre méthode.

Ils ont pris le ton sérieux,

Et d’un air fort malgracieux,

Demandent que, pour la patrie,

Pour le Roi, pour leur propre vie,

On prenne des précautions

Sur leurs dénonciations.

Il faut enfin, quoique l’on fasse,

Faire droit, quoique par grimace,

Et le tout est de notre cru.

Heureusement il a paru

Deux écrits sensés, raisonnables,

Et pour la force incomparables.

On y démasque habilement

L’artificieux mandement

Qu’avait publié Vintimille.

Ces écrits échauffent la bile

Du prélat que nous protégeons

Et qu’aux nôtres nous agrégeons

Ces écrits donc, qui l’eût pu croire ?

Dans un même réquisitoire

Avec les brefs sus-énoncés

Vous doivent être dénoncés,

De quoi la Calotte est fort aise.

Et sur ce, Messieurs, il vous plaise

D’opiner très modérément

Contre les brefs, et seulement

Que ces brefs imprimés à Rome

Soient supprimés en France comme

À Beaune on supprimerait.

Car en faire plus ce serait

À notre sens être trop sage.

Réservez donc votre courage,

Gardez votre sévérité

Pour étouffer la vérité

Qui dans ces deux écrits respire.

Que sous vos foudres elle expire,

Que ces écrits soient lacérés,

Qu’ils soient ensuite au feu livrés,

Que le nom même s’en oublie,

Et qu’à haute voix on publie

À quiconque écoute s’il pleut,

Que la Marotte ainsi le veut.

L’an passé, ce fut tout de même

Pour commencer votre carême

On vous fait par un tour égal

Condamner le bien et le mal,

La pièce la plus violente

Avec une lettre innocente

Qu’il vous fallut sacrifier

Sans pouvoir la qualifier.

Suivez encore cette formule,

Vous comblerez le ridicule,

Et la calotte incessamment

Vous fera son remerciement

Par un brevet de même date

Que l’arrêt dont elle se flatte.

Vous serez honorablement

Incorporé au Régiment.

Ainsi faites-le sans scrupule,

Tout faire on peut, d’après la Bulle,

Trop sage, hors d’elle on ne fait rien.

Calotin par elle on fait bien.

 

Ordonnance du Parlement apposée au bas de la requête ci-dessus

Vienne la bénigne calotte

S’immiscer dans nos saints arrêts.

Il est juste que la Marotte

Soit compagne de nos décrets.

Cependant, suivant la pratique,

Nous disons que de la supplique

À Fleury (soit le cardinal,

Soit le procureur général)

Qui par figure hypostatique

Font un seul et même animal,

Doucement elle communique

Pour observer la politique

Comme doit calotin féal.

Fait en l’an mil sept cent trente

Au mois qui verrait dans son cours

Couler encore deux fois six jours

S’il pouvait en avoir quarante,

Le jeudi, jour des bons repas,

Badauds promenant dans la rue

Le cochon au lieu du bœuf gras,

Qu’Antoine en dernière largesse

Nous laissa par son prompt trépas

Pour y réformer la mollesse.

Signé Du Franc, disant tout bas

Maudits soient les tours de souplesse.

 

Conclusions du procureur général

Vu par nous, bien nommé Joly,

Surnommé calotin Fleury,

Fraternisant avec ce prince

De l’ultramontaine province,

De nom tout ainsi que d’effet

La requête très éloquente

De notre ami peuple follet

Qui va comme nous droit au fait.

Estimons par voix concluante

Qu’il est d’un bien plus que parfait

Qu’il soit partie intervenante

De la calotine patente

Qui doit porter futur arrêt.

N’empêchons point pour notre sire

Que la cour ne mette en arrêt

Ce double homicide décret

Émané du Romain Empire.

En plus, recevant appelant

Comme d’abus tant seulement.

Mais ces libelles anonymes

Que des esprits pusillanimes,

Fauteurs de vieilles vérités,

Sèment avec témérité

Contre un écrit plus que sublime,

Amateurs de subtilité,

Les estimons atteints de crime

Nommé de lèse-nouveauté.

En conscience calotine,

Croyons que la sévérité

Veut qu’avec fine poix raisine

Par main du bourreau usité

Jusqu’à sa parfaite ruine,

Chacun soit lacéré, brûlé,

Que jamais il n’en soit parlé.

Très au long nous ferons déduire

Par notre Gilbert de Voisins

Les motifs délicats et fins

Qui peuvent à ce nous conduire,

Puisqu’ils sont vraiment calotins.

Donné le jour où pieuse cendre

À tout homme doit faire entendre

Que toutes choses prendront fin

Et qu’ainsi le plus bel ouvrage

Qui puisse sortir de la main

Peut-être périra demain

Et passera comme un nuage,

Qui fait le plus bel apanage

Du grand empire calotin

Qui seul aura cet avantage

D’aller toujours gaiement son train

Tant qu’il y aura d’anti-sages.

Cela veut dire en bon langage

Jusques à ce que le destin

Donne à l’univers son déclin.

  • 1Requête d'intervention de la Calotte au sujet de l'arrêt qui doit être rendu jeudi prochain 13 février 1730 contre les brefs du pape, les remontrances des fidèles du diocèse de Paris sur l'ordonnance de l'archevêque du 27 septembre 1729, et contre les réflexions sur cette même ordonnance au sujet de la légende de Grégoire VII

Numéro
$4310





Références

F.Fr.933, f°230v-234r - F.Fr.12655, p.9-13 - F.Fr.15015, f°15r-20v - F.Fr.25570, p.413-20 - BHVP, MS 664, f°106r-109v - Mazarine, 3971, p.223-37 - Bordeaux BM, MS 700, f°378r-381r - Grenoble BM, MS 587, f°143r-144v - Lille BM,MS 62, p.357-370