Brevet pour Moligny, ex-comédien

Momus, le dieu porte-marotte,

Suivant le choix sage et prudent

De ceux qui pensent sainement,

Seul protecteur de la calotte,

À tous ceux qui pour nos arrêts,

Édits, règlements ou décrets,

Ont le respect par nous requis,

Savoir faisons par ces présentes,

Baillées en forme de patentes,

Que, vu les talents presque exquis

D’un quidam qui, chez le forain,

Tiendrait à peine la partie

Et qui veut à la comédie

Faire enrager le genre humain,

Quoique la troupe politique,

Redoutant la clameur publique

Et la voix de certains sifflets

En usage chez nos sujets,

Ait consenti depuis longtemps

Qu’il touchât ses appointements,

Et sous clause qu’il promettrait

Qu’à l’avenir il ne jouerait,

Vu la requête présentée

En notre sublime assemblée.

De plus ces termes très exacts,

Vu de certains certificats

Que plus qu’autre il est en usage

De trafiquer un pucelage

Et débiter à Nosseigneurs

De nos actrices les faveurs.

Tout sainement considéré,

Avons nommé le désigné

Pour maquereau du Régiment,

À tout autre exclusivement.

Voulons que tout ce qui respire

Et qui vit dessous notre empire,

Demande son consentement

Pour coucher avec une belle

Qu’il aura pris sous sa tutelle.

Lui permettons conséquemment

De mettre à contribution

Ceux qu’il aura fidèlement

Servis suivant leur passion,

Et pour taxer son honoraire

Nous estimons qu’il faut le faire

Suivant les charmes des donzelles.

Pour quoi les parties renvoyons

En cas de contestations,

Par devant quatre maquerelles

Qu’en autre lieu nous nommerons.

Plus, lui assignons tous les ans,

Tant par forme d’indemnité

Que pour disette et rareté,

La somme de dix mil francs

Qui le paieront à l’ordinaire

Sur les tourbillons de poussière

Et autres fonds du Régiment.

Fait au Conseil, Momus présent.

Donné gratis à l’impétrant.